Qui est Gerda Taro ? Née Gerta Pohorylle en 1910 à Stuttgart, cette fille de la bourgeoisie juive grandit à Leipzig. En 1927, insouciante et délurée, elle est envoyée par ses parents dans une pension pour fille à Genève. En 1933, soupçonnée d’avoir distribué des tracts antinazis, elle est emprisonnée. « C’est peut-être en prison que, comme c’est arrivé à d’autres, Gerta Pohorylle a pu éprouver pour la première fois que chacun porte en soi une parcelle de liberté irréductible. »
En fait, son nom est d’abord et avant tout associé à celui du célèbre photographe de guerre Robert Capa (Endre Ernö Friedmann) dont elle fut la compagne de 1935 à 1937. François Maspero dit d’eux qu’ils étaient « simplement mais intensément des êtres libres ». Ces deux juifs exilés et indépendants deviendront en l’espace d’une année deux photoreporters de guerre.
« Pequeña rubia », comme se plaisaient à l’appeler les soldats républicains, ou « ange oublié de la photo », comme la surnomma Pascale Bougaux de la radio et de la télévision belges, Gerda Taro demeure énigmatique jusqu’en 1994, soit jusqu’à la parution d’une imposante biographie signée Irme Schaber, dont d’ailleurs s’inspire ici François Maspero. Agissant d’abord comme agente pour Friedmann, Gerta décide de lui fabriquer un personnage : Endre, photographe inconnu, deviendra Robert Capa, photographe américain et, ainsi auréolés, les clichés pourront se vendre plus cher. Toutefois, Gerda se découvre très vite une vocation de photographe et elle prendra la caméra, sous le nom de Gerda Taro, pour les journaux communistes Regards et Ce soir qui en feront leur « envoyée spéciale » en Espagne dès le début de la guerre. C’est là qu’elle périt, à l’âge de 27 ans, happée par un char républicain près de Brunete. Première femme photographe tuée au combat, photoreporter pour des journaux communistes, Taro fait la une de la presse communiste qui charge Alberto Giacometti, sculpteur surréaliste, de concevoir sa tombe.
François Maspero rend ici un hommage bien senti à cette jeune femme idéaliste et talentueuse dans son livre qui donne envie d’en connaître davantage sur celle qui a d’abord survécu dans l’ombre de Capa.