Comme les deux auteurs ont travaillé pour Le Journal de Montréal pendant de nombreuses années, ils sont pleinement qualifiés pour parler du drame que fut pour eux et leurs collègues l’interminable lockout décrété par la direction du quotidien montréalais. Autant on serait porté à ne pas exiger d’eux une sérénité étale à l’égard de ce lockout, autant on s’étonnera de les trouver, malgré tout, capables de critiquer la stratégie syndicale pendant cet affrontement.
Les auteurs ne portent pas Pierre-Karl Péladeau (PKP) dans leur cœur. L’homme est cassant, pressé, sans patience. Surtout, disent les auteurs, il gère l’empire familial sans l’humanité qui caractérisait son père. Sur ce point, ils ont raison. Ils rejoignent ainsi le témoignage qu’Yves Beauchemin rendait au père dans un de ses romans. Ils poussent cependant le contraste trop loin, faute peut-être d’avoir vu le père liquider l’imprimerie Hebdo et lui substituer allègrement Montréal Offset en esquivant ainsi toute négociation avec l’ancien syndicat. PKP diffère de son père, mais il n’en est pas l’antithèse.
Les auteurs accordent à juste titre une grande importance aux exigences brutales de Québecor : une partie découle du tsunami survenu dans l’économie de la presse écrite, mais le style adopté par la direction en alourdit les conséquences. La partie patronale bénéficie de la disparition de tout rapport de force entre les propriétaires de journaux et leurs syndicats. Un piquet de grève n’est plus qu’un symbole stérile, puisqu’un journal peut désormais s’approvisionner à cent sources et maintenir sa distribution malgré un arrêt de travail. PKP et ses conseillers, loin d’utiliser avec mesure ces nouveaux atouts, en profitèrent pour exiger de leur main-d’œuvre la capitulation sans condition. Les trois quarts de l’effectif y laissèrent leur peau.
Sans hargne ni plaisir, Manon Guilbert et Michel Larose reconnaissent que le syndicat a commis plusieurs impairs stratégiques. Une ombrageuse soif d’autonomie l’a conduit à mener son combat sans recourir suffisamment aux ressources de la CSN. En éditant chaque jour leur propre journal, les journalistes syndiqués ont commis une autre erreur : d’une part, ils ne nuisaient en rien au Journal de Montréal, qui s’enrichit pendant le lockout ; d’autre part, les journalistes maintenaient ainsi leurs activités professionnelles, mais laissaient aux autres salariés mis à pied la tâche ingrate du piquetage.
Bilan assez équilibré qu’on publie à un moment évidemment choisi avec soin…
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