Le premier jour du titre est celui de la naissance du premier enfant. Dans ce récit, Shanti Van Dun s’attache à nommer une existence de femme profondément bouleversée par son accession à la maternité, mais bouleversée comme un plongeon dans la lumière. « Jamais plus [la bassinette] ne serait vide, quand bien même l’enfant dormirait ailleurs, quand bien même il deviendrait grand, quand bien même il quitterait la maison et ferait des enfants à son tour, quand bien même il mourrait avant nous, cette bassinette ne serait plus jamais vide. »
Le livre se construit par taches de couleur : d’abord le récit des accouchements, suivi d’une douzaine d’autres courts récits qui nomment la vie quotidienne avec une poésie et un lyrisme qui réconfortent le lecteur. La lumière est tellement présente dans ce texte que même les moments plus graves (fausse couche, séparation, etc.) ne semblent pas pouvoir ronger la force de vivre qui palpite dans ces pages.
Pour la narratrice, la maternité sera ce qu’il y a de plus beau, et ce, malgré les failles amoureuses, les moments d’épuisement et le manque d’espace pour la vie intellectuelle. À la naissance de son troisième enfant, elle explique d’ailleurs habilement comment la surcharge de responsabilités devient à sa façon libératrice : « Je suis enfin si dépassée que je dépose tous mes fardeaux, je les choisis, j’en abandonne, je les porte en alternance sur de courtes distances ».
Parmi les passages les plus réussis, les trop courtes pages qui abordent le métier d’enseignante de la narratrice. Shanti Van Dun traite de façon inspirante de cette autre forme de transmission qui entraîne elle aussi ses frustrations : « Elle sait qu’elle devrait avoir les mains libres pour attraper leurs questions hargneuses au col et les déplier délicatement, elle les chiffonne au contraire et leur renvoie en pleine figure ». On en aurait pris plus.
L’ivresse du jour 1 est une belle proposition poétique et impressionniste. Les lecteurs qui cherchent des récits linéaires pourraient rester sur leur faim tant l’histoire semble ici secondaire, laissant place à une écriture qui révèle les états d’âme plus que les péripéties. Puisque le voyage émotif auquel l’autrice nous convie est à la fois précis et précieux : il en convaincra plusieurs.