L’auteure, Française dans la jeune trentaine et docteure en littérature américaine, est considérée comme l’une des romancières les plus prometteuses de sa génération. Ses précédents livres ont séduit son lectorat et gagné des prix. Elle consacre ce cinquième roman à la chaîne des événements qui ont tissé le destin de Liv Maria.
Liv pour « vie », en norvégien, et Maria, nom de la madone qui protège de la noyade, selon la tradition de l’île bretonne où naît la petite fille en 1970. Car ses père et mère sont respectivement Norvégien, Thure Christensen, et Bretonne, Mado Tonnerre. Fille unique, entourée d’adultes aimants dont un père qui lui transmet son goût de la lecture et des oncles qui l’emmènent à la pêche, Liv Maria reçoit toutefois une éducation rudimentaire de sa mère, plutôt taiseuse. Qu’à cela ne tienne, la fille Christensen croît en harmonie avec la vie de la petite île et apparaît douée pour le bonheur. Elle l’ignore encore, mais le silence appris de sa mère lui sera un précieux adjuvant lorsqu’elle fera un secret de son apprentissage de l’amour, l’été de ses dix-sept ans, à Berlin, où ses parents l’avaient envoyée pour y suivre des cours d’anglais.
L’histoire est à peine plus développée qu’un scénario. Les chapitres sont brefs. Le style concis, épuré, sait se faire suggestif tout en créant une atmosphère de sérénité. Le lecteur suit avec curiosité et même admiration l’aventureuse jeune femme de dix-neuf ans qui se retrouve en Amérique du Sud à exercer avec succès des métiers pour lesquels elle n’était pourtant pas préparée et s’étonne de la voir multiplier les amants. Après neuf ans de ce régime, elle a la sensation d’être devenue une « femme un peu morte à l’intérieur ». Jusqu’à ce qu’elle rencontre au Chili le jeune Irlandais Flynn, avec qui elle a tôt fait de sympathiser. Ils partent ensemble au Guatemala où Liv se rendra bientôt compte qu’elle est enceinte. Amoureux et fous de joie, ils se marient et décident de rentrer en Europe, au pays de Flynn. Une découverte déconcertante y attend Liv. La partagera-t-elle avec son amoureux et sa famille ? Liv choisit le silence, elle vivra avec son secret. « Chaque jour passé avait alourdi sa faute. » Le lecteur, lui, sait, et est en mesure de construire une autre histoire en pensant aux conséquences possibles de dire ou de taire, d’où un suspense jusqu’à la fin qui reste ouverte.
Des réflexions – sur la réalité et les apparences, sur le mensonge, sur ce que l’on croit dire ou taire, sur l’amour et la maternité – contribuent au portrait de la jeune femme, au centre duquel apparaissent son amour des livres et sa fascination pour le pouvoir des mots. « C’était pour elle l’essence même de l’amour – la possibilité de s’atteindre avec les mots, de s’expliquer, de se comprendre. » Mais que faire quand les mots restent pris dans la gorge ?
Le style épuré, la langue précise de Liv Maria, en plus de son histoire captivante, laissent l’impression d’une belle découverte pour qui lirait une œuvre de Julia Kerninon pour la première fois.