Le deuil… Avec délicatesse et émotion, Brigitte Lavallée se remémore les trois deuils qui l’ont marquée. Autant d’étapes dans sa vie, autant de questions auxquelles il lui est impossible de répondre autrement que par une prise de parole.
Chacune des trois parties du recueil aborde un de ces deuils. « Qu’est-ce que la mort pour la neige ? » traite de la mort en bas âge de la sœur jumelle : « Dans la transparence des algues / je t’aperçois / à peine voilée ». Des souvenirs effleurent, parfois reliés à leur enfance, parfois à la maladie. Courtes notations qui tentent de préserver le souvenir : « La couleur se souvient-elle de toi ? » Subsistent le manque, le sentiment d’un destin inachevé : « As-tu un nom à mettre autour de toi / qu’est-ce qui m’enlace / sinon tes cendres ». Mais la présence de la sœur demeure, comme une ombre, et malgré tout vivifiante : « [D]ans l’écho de ta genèse / tu portes avec moi le miracle du printemps ».
« Une gifle au dos du ciel » s’organise à partir de la fin de vie difficile de la mère. La cause n’est pas clairement évoquée, mais on peut soupçonner la maladie : « Grisaille sur ton visage / saison indéchiffrable […] / mouvement de la chaise berçante / mutisme à trancher au couteau / qu’est-ce qui frémit en toi / dis-moi ». La communication entre la fille et sa mère est devenue problématique. Émergent une nouvelle fois les souvenirs d’enfance : « Mes premières enjambées au parc / sautiller sur une baleine / mon immense sourire / dans l’espace / de tes bras ». Mais le sentiment de la perte l’emporte sur la douceur du passé.
« Vos rêves autour de ma taille » parle de l’enfant que l’auteure n’a pas et n’aura jamais. Si elle sait qu’il lui faut « abandonner les objets / de la mère qu’[elle n’est] pas » et « avancer vers ce blanc de [s]on existence / tracer [s]es propres pistes », elle doit aussi faire face au jugement de l’autre (« Vous me croyez inachevée »). Pourtant, elle ressent l’absence : « [H]abitée de tes silences / je ne pense à toi / qu’au moment où je sais / que tu ne viendras pas ». Dans les derniers vers du recueil, elle se dit « femme / jusque dans la plante de [s]es pieds / danser jusqu’à en perdre [l]es eaux ».
De ces deuils émergent son amour de la vie, son désir de partage : « Un à un / mes recommencements / ruissellent à la fenêtre ». Premier recueil de Lavallée, L’invisible tient à toi offre une poésie simple, musicale, comme écrite sur le mode mineur et marquée par les questionnements que la poète soulève.