Partis en 1925 pour l’Ungava, région alors inexplorée et d’accès difficile, trois Blancs découvrent avec stupéfaction comment une Montagnaise a réalisé son « grand rêve », qui « était de donner aux [s]iens, à ceux de [s]a race, la gloire et la fortune et de prouver en même temps à l’univers [qu’ils n’étaient] pas un peuple de dégénérés ». Après une longue randonnée, ponctuée de dangers et de mystères (et qui occupe 17 des 24 chapitres du roman), l’ingénieur Jacques Normand, le « régistrateur » Onésiphore Boulianne et l’Américaine Edith Darlington parviennent en effet à une ville construite « dans le désert de l’Ungava […,] à 2000 ou 3000 milles de toute civilisation ». Grâce à l’or de son sous-sol et pour cela nommée « Orsauvage », cette « capitale de l’Empire des Montagnais, Nascapis et Esquimaux » a tout d’une ville moderne et démocratique : électricité, postes de transmission, usine d’automobiles, triple théâtre, prison, tribunaux… « Nous avons pris ce que les Blancs avaient de bon dans leurs lois et nous en avons retranché ce qu’il y avait de mauvais, c’est-à-dire beaucoup », explique celle qui est devenue « Impératrice de l’Ungava », et « Reine du Nord », et qui, après avoir poursuivi son « œuvre de régénération des Sauvages », pourra enfin « [s]e rév[éler] au monde ».
Ce bref résumé d’un récit qui abonde en péripéties de toutes sortes laisse voir que L’impératrice de l’Ungava touche au roman d’aventures et au roman didactique. Le récit emprunte aussi au roman d’anticipation par sa pensée à la fois utopiste et visionnaire sur une région qui devait de fait connaître des développements majeurs. Avec l’apport des « pouvoirs d’eau », Jacques Normand veut quant à lui « conquérir l’indépendance économique » du Canada vis-à-vis des Américains.
Publié d’abord en 1927 dans la collection « Le roman canadien » des éditions Édouard Garand, L’impératrice de l’Ungava illustre par ailleurs un type de littérature populaire dont la vogue s’étendit des années 1920 aux années 1960. Le même Alexandre Huot allait du reste participer activement à ce que le présentateur du roman, Daniel Chartier, appelle pertinemment « l’histoire de la littérature sérielle […] par sa série de romans en fascicules intitulée Albert Brien, détective national des Canadiens français, amorcée en 1941 ». Dans son roman, Huot partage au demeurant les rares qualités et les innombrables défauts du genre, parmi lesquels on retrouve : longueurs, incohérences, manque de naturel des dialogues, coups de force narratifs et tout particulièrement, en l’occurrence, vaine tentative de créer un climat de mystère. L’intérêt documentaire justifie cependant la rediffusion de ce roman populaire, une forme dont l’édition québécoise a jusqu’ici reproduit peu de modèles.