Keith Richards, guitariste et compositeur des Rolling Stones, est indéniablement une icône du rock. Plusieurs livres lui avaient été consacrés, ainsi qu’à son groupe légendaire; mais voici son autobiographie, depuis l’enfance et les premières influences musicales jusqu’en 2008. Le leader des Rolling Stones ne cache rien de sa vie tumultueuse: insomnies, violences, alcool, drogues et autres débordements, sans oublier les arrestations et les cures. Mais de ce fait, la musique, et c’est le plus important, demeure ici un aspect parmi d’autres, contrairement à ce que nous offrait l’excellent livre rétrospectif du bassiste Bill Wyman (Histoire des Rolling Stones, Libre Expression, 2003), qui avait décrit avec précision les sessions d’enregistrement, le répertoire de chaque tournée, l’évolution de la dynamique du groupe.
Certains passages portent sur le travail du musicien: comment harmoniser ses partitions instrumentales avec celles de son partenaire: d’abord Brian Jones, puis Mick Taylor, et depuis 1975 Ron Wood. Parcimonieusement, Keith donne quelques exemples de chansons comme « You Got The Silver » et « Beast Of Burden » où les jeux des deux guitaristes se complètent parfaitement. Les révélations les plus surprenantes touchent le travail de composition entre Mick Jagger, le plus souvent parolier, et lui-même pour la musique et les motifs musicaux (« riffs ») dont il est devenu le maître incontesté. Officiellement, les chansons du groupe portaient la signature des deux vedettes, longtemps surnommées les « Glimmer Twins ». Chose étonnante, Keith Richards reconnaît à Mick Jagger la paternité de leur grand succès « Brown Sugar » et admet avoir trouvé la mélodie de la ballade « Angie », alors qu’on aurait pu croire le contraire.
Mais je me demande si James Fox n’a pas compilé les nombreuses entrevues que Keith avait données durant les années 1970 à divers magazines comme Rolling Stone, Rock & Folk, Best, Cream pour reconstituer des souvenirs très lointains ; plusieurs passages de ce livre font écho à des déclarations antérieures du guitariste qui admet volontiers les défaillances de sa mémoire. Par exemple, le fait qu’après le départ imprévu du guitariste Mick Taylor, le groupe avait « presque » engagé Wayne Perkins en 1975, et qu’au dernier moment, Ron Wood a eu le poste, parce qu’il « était Anglais», contrairement aux deux autres candidats provenant des États-Unis. C’était déjà bien connu de ceux qui suivaient les écrits relatifs au groupe. Bien qu’il laisse de côté des aspects importants, l’ouvrage est passionnant et instructif, même pour les familiers des Rolling Stones. Son seul défaut: sa traduction typiquement parisienne, du style « ouais mec, impec ». Vaut mieux en rire.