Rigoureux, aussi sensible à l’immémorial qu’aux ajouts récents, ouvert à toutes les créativités, le livre, malgré tout ce qu’a étalé le 400e anniversaire de Québec, regorge d’éléments mal connus ou carrément inédits. À cela s’ajoute la séduction inimitable dont use Jean Provencher pour dire, outre les faits, son attachement à sa ville. L’œil est sollicité autant que la mémoire, la retouche s’accole aux traces patinées par le temps, la culture d’extraction exotique mise en dialogue avec les usages du cru, et tout cela est beau.
Lorsqu’il débusque un fait déconcertant, Provencher tient le juste milieu. Ainsi, quand les archéologues exhument du sous-sol 14 grains de maïs « dont l’un remonte à environ 1200 de notre ère », il ne prétend pas dater de la même époque la culture du maïs dans la région : ce grain, écrit-il sobrement, « pourrait provenir d’échanges avec les cousins iroquoiens vivant plus à l’ouest ». De même, tout en décrivant les exigences de la vie en colonie, Provencher navigue à distance du misérabilisme. Les filles du roi reçoivent le tribut mérité. Le livre, loin d’être allergique aux arpents de neige de Voltaire, est étonnamment présent : « Une étude menée sur les bibliothèques privées parisiennes, pour la période comprise entre 1750 et 1760, montre des livres dans 22 % des inventaires analysés. Pour la même décennie, à Québec, on trouve des livres dans 32 % des inventaires ». Même sens de la mesure dans la description des fortifications de Québec. Provencher n’a garde de s’en moquer, mais il rappelle, sans doute avec un sourire, qu’on les doit surtout aux conquérants anglais, qu’elles visaient à protéger Québec contre une éventuelle invasion étatsunienne… et qu’elles ne servirent jamais !
Curiosité et culture rendent Provencher sensible aux apports des cultures étrangères à la société québécoise. Écossais, Irlandais, Chinois occupèrent des portions du territoire. La capitale présente des bâtiments conçus et construits selon les styles préconisés tour à tour ou simultanément par l’Angleterre, la France ou l’Italie. Les acquis les plus récents confirment ce lien de Québec avec le monde : place de la FAO, fontaine de Tourny, monument de l’UNESCO, chaussée des Écossais, monument aux Conférences de Québec…
Il était dans l’ordre – et même impérieux – que ce magnifique hommage au patrimoine de Québec se termine sur un rappel qui vaut mise en garde : « Le 3 juillet 2006, le conseil municipal de la Ville adopte les orientations et les objectifs du ‘Plan directeur Vieux-Québec Haute-Ville, Basse-Ville et Cap-Blanc’ dans le but premier d’améliorer le cadre de vie et la qualité de vie des résidants du quartier ». Aux yeux de Provencher, un patrimoine est mieux protégé par ses citoyens que par les touristes.