Après un premier ouvrage (L’Hermès québécois, paru au début de l’année 2002) qui avait entraîné le lecteur sur la piste de l’archétype de la divinité grecque Hermès dans trois romans québécois, Eugène Roberto nous convie, avec L’Hermès québécois II, à pousser la recherche plus avant, question d’affiner les résultats obtenus. La démarche appliquée est la même que dans le premier volet : « Je répète, à l’intérieur de chaque texte, une série d’opérations : vérification du noyau constitutif hermaïque (mobilité dans un espace valorisé, habileté, pouvoir de transformation des destins), cohérence du personnage autour de ces éléments et superposition de celui-ci sur le modèle hermaïque », de préciser l’auteur, qui ne s’embarrasse d’aucune méthode théorique exagérément complexe. Le plan de coupe diachronique établi par Eugène Roberto permet d’explorer, au cours de six chapitres, des œuvres « classiques » tirées du répertoire québécois, de Forestiers et voyageurs à Kamouraska en passant par les très prisés Maria Chapdelaine, Menaud, maître-draveur, Les engagés du Grand Portage et Trente arpents. Un septième chapitre clôt la démonstration en mettant l’accent sur la figure d’Hestia (contrepartie d’Hermès), également importante dans les œuvres.
Le personnage est ici le principal élément retenu pour observer les traits de la figure hermaïque dans les textes, et le fait d’évaluer les caractéristiques des héros semble livrer suffisamment d’indices pour qu’on puisse affirmer la présence de la divinité grecque dans la littérature québécoise. Tantôt amoureux, tantôt serviteur, ici fourbe, là frustré, jeune ou voyageur, Hermès apparaît dans les œuvres sous des traits tellement divers qu’on en vient toutefois à se demander si l’analyse ne consiste pas simplement à accumuler des qualités pour pouvoir en faire des vecteurs de reconnaissance. L’art d’Eugène Roberto consiste dès lors à donner unité à la démonstration, à rendre perceptible, dans une perspective d’analyse purement textuelle, la saveur complexe qui préside à l’apparition de la figure hermaïque. Jonction entre l’ici et l’ailleurs, Hermès laisse sa trace dans la mainmise qu’il opère sur la destinée de chacun, ce que la critique devra désormais prendre en compte.