Le joual de Troie (1973) lui valut le Prix France-Québec. Depuis, plusieurs ouvrages érudits ont suivi : études, traductions, essais, romans. Cette fois, Jean Marcel emprunte le genre épistolaire pour confier plus familièrement sa passion pour la Thaïlande, pays d’adoption qu’il préfère désigner par son ancien nom, Siam. Son vieil ami Jean Tétreau, préfacier du recueil, apparaît comme le destinataire des huit lettres, mais en réalité, Jean Marcel s’adresse aux Québécois et autres Occidentaux qui, selon lui, entretiennent de fausses perceptions de la Thaïlande colportées par des touristes voyeurs et des médias assoiffés de sensationnalisme. À l’image déformée du pays du tourisme sexuel, assimilé au tiers-monde, il substitue celle du « dernier paradis de la planète » pour lequel il a été frappé d’un « foudroyant envoûtement qui dure encore », d’où un intérêt marqué pour tout ce qui s’y rapporte. Il trouve dans l’Histoire du Siam les racines de la tradition de liberté qu’il observe en ce pays, le seul du sud-est asiatique à n’avoir jamais été colonisé, et interprète l’art de vivre « au pays du sourire » à la lumière des « Nobles Vérités » transmises par l’enseignement de la doctrine bouddhique. Dans une autre lettre des plus intéressantes, le philologue de formation nous entretient des principales caractéristiques de la langue thaïe et de son fonctionnement et, dans une autre encore, de la cuisine variée et de la façon qu’ont les Thaïs de se restaurer dans les rues, à toute heure. Mais c’est sans doute la vénération qu’ils portent à leur roi, dont le néo-Thaïlandais fait d’ailleurs grand éloge, qui apparaît comme l’un des traits culturels les plus singuliers pour un Occidental d’aujourd’hui.
Certes, Lettres du Siam présente « le Pays des Hommes libres » sous son jour le plus favorable, dans un ton en conformité avec le climat d’harmonie où se retrouve son auteur. Ne prévient-il pas son lecteur dès la première lettre, comme s’il cherchait par la même occasion à se justifier : « Mais après avoir découvert le Siam il y a dix ans, je me suis rendu compte à la longue, à travers ma passion pour ce nouveau pays, que je le substituais peu à peu à celui qui n’achevait pas d’advenir ». Du Joual de Troie aux Lettres du Siam, un même appétit de liberté.