Les Lettres de prison de Marie Gagnon oscillent entre le désespoir d’une vie de prisonnière et la récrimination contre les attentats à l’être profond des détenues. J’ai moi rencontré l’auteure à l’occasion du lancement de son premier livre, Bienvenue dans mon cauchemar, alors qu’elle venait tout juste d’être libérée après quelques mois d’incarcération pour délits mineurs. J’avais été impressionné par son enthousiasme, sa candeur et sa franchise. Elle avait l’air de vouloir mordre dans la vie. Hélas, deux ans plus tard, elle se retrouve à la Maison Tanguay pour les mêmes méfaits. « Je suis une forte tête », écrit-elle. « Je suis révolte, passion, violence et luxure », ajoute-t-elle avec défi et fierté.
Plutôt que ce qu’elle appelle « le mensonge » de la transition carcérale, elle a choisi la prison ferme et, occasionnellement, l’isolement du « trou », le seul endroit qui l’assure d’une véritable tranquillité ; elle fera donc ses deux ans de prison au pénitencier de Joliette, appelé ironiquement le « Club Fed ». Le pire pour elle, confie-t-elle, c’est le harcèlement psychologique dont sont victimes les détenues qu’on considère comme des malades alors qu’elles ne sont que des délinquantes. Elle demande à grands cris qu’on lui foute la paix et qu’on respecte ce qu’elle est au lieu d’agresser subtilement ce qu’elle a de plus intime.
Sur un ton parfois léger et même drôle, parfois pathétique, dans ses lettres à des amis du monde littéraire, elle se confie, se plaint ou évoque ses projets d’écriture. Tout cela, en direct pourrait-on dire, dans de courtes notes d’une fraîcheur surprenante, avec quelques échappées poétiques fulgurantes, parce que, comme elle le dit elle-même, « sa contrée c’est l’écriture ; son village les mots ». On ne peut que lui souhaiter de réaliser enfin à l’air libre son grand rêve.