Thomas J. Dodd a fait partie de l’équipe étatsunienne lors du procès de Nuremberg, où vingt responsables du gouvernement de l’Allemagne nazie, dont Göring, Keitel et Speer, ont été jugés par les pays alliés. Initialement, la tâche de cet avocat était simple et ne devait durer que quelques mois. Mais au fur et à mesure que les procédures avancent, le travail de Dodd est particulièrement apprécié, de telle sorte qu’il est nommé procureur en second, soit la seconde plus importante position du tribunal. Tout au long de son aventure qui durera quinze mois, il entretiendra une volumineuse correspondance avec sa femme, restée aux États-Unis. C’est cette correspondance qui est présentée ici, vingt ans après sa mort.
L’avocat y décrit la propension maladive qu’ont les militaires étatsuniens à la paperasserie, au point où il s’étonne que pareille organisation ait pu remporter une guerre. Il constate la manie qu’ont les Russes à vouloir étirer les procédures et les soupçonne de souhaiter profiter du luxe inhérent à l’événement pendant lequel les personnes impliquées sont logées et ont accès à du savon et à de l’eau chaude. Il y exprime son inconfort à entendre les avocats russes accuser les nazis de crimes aussi crapuleux que les leurs. De leur côté, les Anglais paraissent totalement désintéressés tandis que les membres de l’équipe de France sont plus occupés à se chamailler entre eux qu’à participer au procès.
À travers ces lettres, on découvre un procès qui, au dire de Walter Cronkite, journaliste de la United Press qui couvrit l’événement, aurait facilement pu sombrer dans un chaos inextricable si ce n’avait été du professionnalisme de Thomas J. Dodd. On apprend aussi à connaître un individu qui a su garder une saine distance émotionnelle avec le procès où il était impliqué. C’est probablement cette distance qui sera perçue comme un professionnalisme et qui lui vaudra sa promotion. Toutefois, dans ses relations avec les personnages qu’il côtoie, il en sera tout autrement. Puisqu’il passera beaucoup de temps entouré des mêmes individus, il en viendra à établir des relations de confiance et d’amitié, parfois même avec les dirigeants nazis pour lesquels il lui arrivera d’avoir des pensées amicales. Si nombre de livres ont été écrits sur cet événement historique, peu ont le mérite de présenter ce qui s’est passé en coulisse comme le font ces Lettres de Nuremberg.