Cette année, Joël Des Rosiers, psychiatre, poète et essayiste, a fait sortir deux ouvrages qui semblent se prêter à une approche en trois temps : un peu comme un triptyque. Il s’agit d’une part de la réédition de Théories caraïbes, Poétique du déracinement que complètent deux chapitres consacrés à des personnalités du monde littéraire qui lui sont chères, et d’autre part, de Lettres à l’indigène.
Il m’a semblé plus intéressant de commencer le premier ouvrage par le milieu. C’est à partir de là que sont reprises des interviews données par l’auteur. Pour ceux qui ne le connaissent pas, c’est l’occasion de découvrir le poète et l’essayiste, un homme de métier, un homme d’une grande culture qui nous dit sa vision de l’écriture, l’importance qu’il donne à la langue et son besoin de vaincre les contraintes qu’elle impose. C’est, selon lui, le rôle du poète.
Il est utile de savoir qu’après avoir été un lieu de passage et d’installation de populations diverses, les Caraïbes, ce chapelet d’îles grandes et petites qui relie l’Amérique du Nord à celle du Sud, sont devenues au XXe siècle un territoire de migration. Joël Des Rosiers est de ces îles, d’où il est par ailleurs parti. Une telle notion permet de mieux comprendre le choix de citations que l’auteur nous propose, au début de Théories caraïbes, citations à travers lesquelles on entrevoit l’expatrié, cet homme lié à la notion de traversée et qui tente de rejoindre ce territoire qu’il a quitté, non pas par des chants, comme l’a dit Marguerite Yourcenar découvrant le negro spiritual, mais par des « notes de terrain ». Celles-ci sont un ensemble de considérations sur des écrivains, sur la notion de temps et d’espace à partager, et là, transparaît le psychiatre.
La lecture des Lettres à l’indigène amène ensuite à une découverte tout autre. C’est un recueil de lettres d’amour adressées à une femme qui, de toute évidence, a ses origines dans ces îles, réelles mais aussi inventées, qui dominent l’œuvre de Joël Des Rosiers. Ces lettres, rédigées dans une langue parfaitement maîtrisée, chantées comme le seraient des poèmes, ressemblent en même temps aux pages d’un journal intime dont l’auteur, paradoxalement, souhaite en révéler le contenu. Mais au fond, l’intention derrière la rédaction d’un journal intime n’est-elle pas de le communiquer à d’autres ? Ainsi, Joël Des Rosiers nous révèle l’homme qu’il est, aimant passionné, être désireux d’être aimé. Vulnérable ? Le psychiatre seul pourrait nous le dire.