Après avoir publié Lettres à ses enfants de Louis-Joseph Papineau, en 2004, Georges Aubin et Renée Blanchet livrent maintenant près de 400 autres missives expédiées par le même « à divers correspondants » qui n’ont pas de lien de parenté avec lui, en réponse aux « 1300 lettres reçues ». Suivront des Lettres à sa famille, c’est-à-dire à des parents qui n’apparaissent pas ici, à savoir « les Viger, Cherrier, Dessaulles, Globensky, Delagrave, Laframboise, Westcott, etc. »
Les « divers correspondants » présentés aujourd’hui sont de toute provenance : l’Irlandaise Marcella Atkinson-Dowling, amie de la famille Papineau à Paris, monseigneur Eugène Guigues, Français devenu évêque de Bytown et protecteur du fils Lactance, l’Américain Joseph-Guérard Nancrède, médecin à Philadelphie et ami d’enfance de Papineau, l’historien québécois François-Xavier Garneau… Mais les destinataires sont principalement des hommes liés de très près à la chose politique, et au premier chef des députés, tels Edmund Bailey O’Callaghan, John Neilson, Robert Christie, William Lyon Mackenzie, James Mackintosh et John Arthur Roebuck, à qui est adressée la correspondance « la plus volumineuse ».
Louis-Joseph Papineau, député et orateur de la Chambre d’assemblée du Bas-Canada pendant de nombreuses années, exprime ses vues sur les sujets les plus brûlants de l’époque : les funestes projets d’Union des deux Canadas, en 1823 et 1840, l’attrayant mouvement d’annexion aux États-Unis, en 1849, l’ignorance persistante par Londres de la scène politique canadienne, l’inique partage des subsides, les concessions injustes des terres, la situation de l’Irlande, comparable à celle du Bas-Canada, la séparation prévisible des deux Canadas d’avec l’Angleterre, la nécessité d’un Conseil législatif élu… Il y fustige aussi les administrateurs coloniaux : par exemple le gouverneur Dalhousie et ses indécences répétées, le gouverneur Aylmer et son « Conseil législatif vénal », le « cerveau fêlé » Durham, le « bourreau » John Colborne… Des sujets plus personnels apparaissent bien sûr également : des souvenirs d’étudiant au Séminaire de Québec, la maladie de Lactance, l’injuste traitement fait au fils Amédée, protonotaire, la gestion et l’exploitation de la seigneurie de la Petite-Nation, la santé de Julie Bruneau, l’épouse du tribun, les lectures préférées de ce dernier…
Les Lettres à divers correspondants sont précédées d’une excellente introduction où Yvan Lamonde souligne « ce que ces lettres apportent d’inédit à la compréhension de la pensée politique de Papineau et de ses points tournants dans l’escalade des événements qui vont de 1822 à 1840 ». Elles sont complétées par d’utiles index : « chronologique », « nominatif », « onomastique » … Plusieurs notes infrapaginales (qu’on aurait toutefois voulues plus nombreuses) accompagnent le tout et renseignent le lecteur sur des personnages ou des événements évoqués par l’épistolier. On regrette par ailleurs qu’un toilettage incomplet ait laissé un assez grand nombre de visibles coquilles. Il est à souhaiter qu’on publie un jour une édition critique de ces importantes lettres que le duo Aubin-Blanchet a eu la patience et l’à-propos indéniable de rassembler puis de mettre en circulation.