L’auteur de Colline et de Regain eut beau lui déclarer dans une lettre du 5 février 1940 : « Tu es ma femme, un point c’est tout, et sans contestation possible. Et personne d’autre n’est ma femme », Blanche Meyer n’en est pas moins demeurée une amante de l’ombre.
Car une femme, Jean Giono en avait une : Élise Maurin. Leur ménage dura un demi-siècle (de 1920 à 1970) et leur donna deux filles, Aline et Sylvie. Blanche Meyer ne fut même pas sa seule maîtresse, puisque l’écrivain eut d’autres aventures, avec Simone Téry ou Hélène Laguerre notamment. Et pourtant, cette liaison n’eut rien d’une toquade dans la vie du Manosquin. Il s’agit davantage d’un amour secret, un amour qui laissa des traces dans les œuvres de Giono, même s’il prit fin dans le désenchantement en 1960, comme l’explique Roland Bourneuf dans le texte de présentation et dans une brève postface.
C’est d’ailleurs à ce dernier que l’on doit la divulgation des dix-neuf lettres de Giono adressées à Blanche Meyer entre 1940 et 1951. Bourneuf avait acquis le lot à Paris en 1972 pour le compte de l’Université Laval, qui le conserva dans un fonds non répertorié. En rencontrant les proches de Giono, Bourneuf avait compris qu’il serait plus respectueux de garder le secret sur cette acquisition. Or, aujourd’hui que les principales intéressées sont décédées et que différents ouvrages ont paru qui font état de cette passion clandestine, Bourneuf a estimé qu’il était temps de publier cette correspondance. Certes, dix-neuf lettres représentent peu de choses en comparaison des quelque 1 300 que possède l’Université Yale, mais tout de même, la découverte intéressera à coup sûr les amateurs de Giono. Surtout que de très pertinentes notes, variantes et annexes viennent fournir un précieux complément d’information. N’y manquent que des lettres de Blanche Meyer, mais elles n’existent plus (Giono avait demandé qu’elles soient détruites). Il faut donc se contenter d’un échange à une seule voix.