Étrange petit livre que cette Lettre d’été : un témoignage, une confidence, presque une confession. Pascale Roze, dont Le chasseur zéro fut primé en 1996, donne ici dans l’intimisme. Cette lettre, étrangement, elle l’adresse à un mort illustre : Léon Tolstoï : « Tu comprends pourquoi j’avais si peur de t’écrire ? Tu m’es un exemple proche, intime, du lien entre l’écrit et la mort. »
Pascale Roze parle ici d’une expérience personnelle singulière et bouleversante qui a laissé en elle un silence, une crainte, des interrogations : « Est-ce qu’on peut mourir sans savoir que l’on meurt ? » Au moment où est mis sous presse son premier roman, qui lui vaut le Goncourt en 1996, elle est victime d’une rupture d’anévrisme. Ce hiatus qu’est la perspective d’une mort proche dans le déroulement de sa vie transforme le regard qu’elle porte sur toutes choses. Il ouvre en quelque sorte une brèche dans sa conscience par laquelle s’insinuent des idées neuves en même temps que des questions vieilles comme l’humanité. Pascale Roze fait constamment référence à sa grande connaissance de Tolstoï. En elle-même et à travers l’œuvre de l’écrivain russe, elle tente entre autres de circonscrire ce qu’apporte le travail de l’écriture.
La Lettre d’été se lit d’un trait mais avec lenteur. Car l’auteure fait appel à cette part de nous qui, trop souvent, demeure insondée, voire insondable, cette portion de notre existence déjà entamée par la mort qui n’est, en somme, que le revers de la vie : « La mort est en nous dans son exacte réalité dès la naissance, et chaque fois que j’écris je creuse à l’aveugle, pourtant sans me tromper, le chemin qui m’en rapproche. »