Les carnets d’écrivains sont « avant tout une sorte de repos de l’écriture de fiction », les a un jour définis Robert Lalonde, qui dirige la collection « Carnets d’écrivains » chez Lévesque éditeur. En proposant L’esprit tout en arrière, Jean-Paul Beaumier prend la formulation de Lalonde au pied de la lettre – et des lettres –, pour faire part de ses propres réflexions. « À quel moment suis-je au plus près du véritable travail d’écriture : lorsque je cherche à comprendre ou lorsque je m’abandonne totalement à son mouvement », s’interroge le nouvelliste de Québec.
« Quand j’ai commencé à écrire, écrire me suffisait », déclare Beaumier dans ce recueil qui devient aisément un livre de chevet dans lequel se promène avec plaisir qui aime les mots, la pensée et les histoires, aussi brèves soient-elles. Le visiteur solitaire cueille ainsi de page en page, de paragraphe en paragraphe, des souvenirs de famille, des citations littéraires ou des aveux surprenants qui réjouissent ou amusent, intriguent ou étonnent. « J’ai amorcé l’écriture de pas moins de cinq nouvelles au cours des dernières semaines et aucune ne trouve grâce à mes yeux. »
La crainte de tout auteur de publier un carnet intime est fondée, car il serait facile qu’un lecteur se lasse des confessions ou des rêves de qui ne lui est pas familier. Beaumier précise qu’il s’était déjà demandé à quoi ressembleraient ses écrits et il confesse : « […]sans doute parlerais-je de moi, encore et toujours ». C’est vrai et c’est vrai aussi pour de multiples grands romanciers. Tout réside dans le style, cette « lumière qui émane d’un texte », lui confirme Andreï Makine à l’occasion d’une entrevue. Au fil de L’esprit tout en arrière, on se surprend à suivre avec joie les méandres de la pulsion créatrice de l’écrivain, on apprécie ses apartés ainsi que ses courtes mises en scène familiales ou professionnelles. « Et j’ai continué de désherber le jardin en pensant que bientôt il me faudrait aussi éradiquer les mauvaises herbes du texte. »
Les jeux de ses enfants, la mort de son père, sa grand-mère centenaire, une visite dans la Trois-Rivières d’antan aujourd’hui disparue, un séjour à Paris ou un simple aller-retour à Montréal, tout est prétexte pour constater le passage du temps et consigner ses observations. Le carnet d’écrivainde Beaumier illustre sa bataille intime avec les mots, souvent gagnée, parfois perdue et alors abandonnée : « […]le rythme d’une phrase, voilà ce que je veux retrouver, ce à quoi je veux me raccrocher ».
Une centaine de pages de doutes et de témoignages que Beaumier lui-même résume tout en concluant : « Il faut imaginer l’écrivain heureux ». Et c’est bien ce que nous faisons.
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