Leslie Muller ou le principe d’incertitude est la quatrième publication de la nouvelliste et romancière montréalaise Lynn Diamond, finaliste en 2002 au Prix des collégiens pour son roman Le corps de mon frère.
Au cœur de Leslie Muller, la quête d’absolu et l’amitié indéfectible. La narratrice et personnage-titre du roman amorce son récit en 2002, retourne vingt ans plus tôt, au temps des idéaux de sa jeunesse et va, dans un mouvement d’aller-retour, jusqu’en 2003, l’année de ses cinquante ans. Construction non linéaire qui garde le lecteur en attente de révélations. Leslie capte les moments charnières de sa vie, qui coïncident avec ceux vécus avec son groupe d’amis. Un lien d’amitié maintient le groupe en dépit de langues, d’origines et de professions diverses. Leur port d’attache est Montréal, mais à eux tous, ils ont parcouru mers et continents. Ils avaient en commun le désir de changer le monde. Pareil idéal de jeunesse, partagé lors d’expériences marquantes, a cimenté leur amitié, malgré de fréquents éloignements, de petites trahisons, des épreuves, des déceptions, et en bout de course, le besoin de confort qui a gagné les uns et les autres, l’âge venant.
Mise en abyme: Leslie a travaillé pendant plusieurs années à l’écriture d’un roman, nourrissant l’ambition de faire un portrait de sa génération. L’auteure, Lynn Diamond, actualise en quelque sorte le projet de son double, portrait d’une tranche de la génération des années 1960, scolarisée, affranchie et idéaliste. Certains personnages de Leslie Muller sont allés soutenir la Révolution sandiniste au Nicaragua; l’un, vétéran de la guerre du Vietnam, a choisi de se faire chirurgien, allant de mission en mission dans les régions en conflit. Voilà qu’au mitan de la vie, ils mettent en doute l’efficacité de leur action, parlent d’échec et des temps incertains. Les militants d’hier éprouvent aujourd’hui l’urgence de vivre.
L’écriture à la fois suggestive et limpide, et le ton ni lyrique ni pathétique du roman traduisent l’état d’esprit de la narratrice, Leslie, qui se penche avec sérénité sur un passé habité par « [c]e vieux rêve, toujours trahi, d’un monde où ne régnerait plus la loi du plus fort ». Lynn Diamond rend dans une langue sensible et belle une vision réaliste d’une portion d’humanité.