Liée par le cœur et par le sang aux Premières Nations, l’autrice revisite des moments marquants de sa vie, de sa découverte des Inuits, au Nunavik, jusqu’aux années passées en Abitibi avec Georges Pisimopeo, un Cri qui deviendra le père de ses enfants. Voyage éloquent au cœur de ces peuples occultés.
Saisir l’occasion d’aller travailler au Nunavik le temps d’un été quand on a 18 ans laisse présager une belle aventure. Pour la jeune femme, ces vacances de 1974 orienteront toute sa vie. Un véritable coup de cœur pour les Inuits l’y ramène en 1975 comme enseignante. En réaction à la ségrégation dont font preuve les Blancs en poste au Nunavik, elle se mêle aux Inuits, développe de la sympathie pour eux, les accompagne dans leurs activités de chasse et de pêche, partage leurs repas et va même jusqu’à laisser sa porte ouverte, comme le font les Autochtones. Elle parcourt les grands espaces enneigés en motoneige derrière Lucassie, l’Inuit dont elle est tombée amoureuse, sans égard aux mises en garde faites aux nouveaux arrivants blancs. Les yeux ouverts, elle veut connaître une autre façon d’être une personne, pas seulement une Blanche.
Des moments marquants, au cours desquels elle sent monter la révolte au constat des effets destructeurs qu’ont les injustices et le mépris dont a été victime cette communauté. Témoin de la violence, des abus d’alcool et des suicides, elle se promet de « dire au monde entier ce qui se passe au Nunavik, comment les Inuits vivent » et ajoute : « Je veux partager mon indignation par rapport aux privilèges des Blancs et au racisme ».
Une grande partie du récit est consacrée à la vie au Nunavik, dans les villages de Kangiqsualujjuaq d’abord, puis de Puvirnituk. Elle raconte aussi sa courte expérience au collège Manitou, dans les Laurentides, où se donnait une formation adaptée aux Premières Nations et menant à l’obtention d’un DEC. Elle dit ignorer les motifs qui ont mené à la fermeture du collège trois ans après son ouverture.
La Montréalaise se sent inadaptée à la vie au Sud. On la retrouve en Abitibi, où la forêt remplace la toundra. Là aussi c’est la proximité avec la nature. Partie pour un projet de quelques semaines, elle s’y installe et y partage sa vie avec le travailleur social cri Georges Pisimopeo, de qui elle aura deux enfants. Le couple côtoie des Cris, des Atikamekws, des Algonquins. Comme eux, ils vont relever des collets dans la forêt en hiver, passent des jours dans leur cabane dans les bois, sans eau courante, ni électricité, expériences qui amènent la narratrice à avouer, au cœur de la forêt silencieuse aux odeurs de sapinage : « Je vis la vie dont j’ai rêvé ». L’abus d’alcool aura toutefois raison de vingt ans de leur relation de couple, mais pas de l’intention de l’autrice de réhabiliter ces communautés et son ex-conjoint avec qui elle entretient toujours une relation amicale. C’est d’ailleurs à lui qu’elle confie le soin de présenter, dès après le prologue, la cause de tout ce mal-être : la Loi sur les Indiens (Indian Act) promulguée par le gouvernement du Canada en 1876. Des mesures dévastatrices qui visaient à anéantir une culture millénaire. Réserves, pensionnats, destruction des territoires ancestraux, etc., ont encore des effets délétères dont Georges a été l’une des innombrables victimes.
Par son œuvre sensible, Lucie Lachapelle, écrivaine et cinéaste, mère et grand-mère d’enfants métis, incite au dialogue avec les Premières Nations.