Voici un auteur que je ne connaissais pas mais que je surveillerai désormais avec intérêt. Pour tout dire, tout m’a surpris dans ce roman : l’intrigue, les personnages, le ton. C’est donc un regard vierge que je porte sur Donald Westlake et sur son œuvre, pour ne pas dire ses « chefs-d’œuvre », comme se plaît à le répéter l’éditeur sur les quatrièmes de couverture de ses romans.
Après avoir fraudé ses actionnaires en leur soutirant des sommes faramineuses, Monroe Hall est considéré comme un paria par ceux-ci, et comme toutes les autres personnes qui ont eu maille à partir avec lui. Ayant, malgré sa culpabilité, évité de lourdes peines, il se trouve dès lors confiné à son vaste domaine d’où il n’ose plus sortir, craignant pour sa sécurité. La vie, en dépit des millions, a perdu son lustre
Très bien protégé par un imposant système de sécurité, ce domaine et ses nombreuses possessions, surtout son impressionnante collection de voitures anciennes, n’en font pas moins l’envie du très sympathique John Dortmunder, dont les raisonnements rigoureux ajoutés aux métaphores saisissantes de Westlake laissent sans voix. « Quand le téléphone sonna, Dortmunder était en train de se confectionner un sandwich aux boulettes de viande et à la mayonnaise, avec du pain de mie. Il entendit la sonnerie, regarda son sandwich inachevé, ouvert dans l’assiette tel un patient endormi sur la table d’opération, et se demanda : ‘Si je ne décrochais pas ?’ Puis il se répondit : ‘Ça va continuer de sonner’. »
Le récit démarre lentement, trop peut-être, mais le point de vue est original : il est en effet fort intéressant de suivre le héros qui, nonobstant son casier judiciaire chargé, se révèle un être fort charmant et attachant. Agités du carafon, contrefacteur d’identité, malfrats infortunés, la galerie de personnages douteux et drolatiques fait dans le thriller nouveau genre : efficace contre le stress. Un admirable paradoxe !