Ça pousse, de l’intérieur, comme une force motrice constante, inaltérable, vers la vie-la mort : « […] une chose impersonnelle qui a le pouvoir d’infléchir, voire d’interrompre la continuité psychique. L’idée de pulsion est sans doute ce qui, au cours du XXe siècle et jusqu’à nos jours, a le plus servi à penser cette chose ». Et pourtant, la pulsion, pour quoi faire, depuis que les psys – et parmi eux, trop de psychanalystes – se sont mis à la mondialisation, se disputant le marché de la misère, riche ou pauvre, en essayant de dorer la pilule et de repousser l’angoisse de voir le monstre surgir de la nuit tel un convive de pierre ? Contre la pulsion et ses quatre dimensions (poussée, but, objet et source), contre sa troublante définition ultime (poussée « en vue de la restauration d’un état antérieur », inorganique), l’Eye Movement Desensitization and Reprocessing (EMDR), la Biologie Totale, les thérapies cognitivo-comportementales dites dialectiques, la psychanalyse brève, tout est bon pour mousser le jovialisme aliénant et faire l’économie du psychique et donc, de l’humain.
Dominique Scarfone planche pour sa part sur le parcours qui conduit Freud à abandonner sa première théorie de l’étiologie des névroses pour ensuite déployer l’espace de la théorie des pulsions et du fantasme. En tant qu’élément capital d’une « biologie étendue » (celle-ci se distinguant du plan physiologique), les pulsions demeureront un socle de la psychanalyse jusque dans l’Abrégé posthume. Deux époques peuvent comme on sait être dégagées, soit celle qui va des tout débuts jusqu’à 1915, avec « Pulsion et destin des pulsions », puis celle qui s’ouvre en 1919 avec « Au-delà du principe de plaisir ». On ne sera pas surpris de constater une fois de plus que nous sommes avec Freud bien loin d’une philosophie morale, la célèbre définition fournie dans les Trois essais sur la théorie sexuelle sert de pivot à sa conceptualisation métapsychologique.
La pertinence du concept de pulsion et certaines contributions contemporaines sont mises en relief (celle de Jacques Lacan étant présentée de manière caricaturale) avant que Dominique Scarfone ne termine son petit livre en queue de poisson.