Sans l’ombre d’un doute, l’auteur a raison de déplorer les lacunes que comporte encore l’histoire québécoise à propos d’un moment aussi névralgique que celui des troubles de 1837-1838. À force de raconter Saint-Denis et Saint-Eustache, on en oublie de vérifier si la rébellion agitait tout autant ou différemment les autres régions du Québec. Du coup se trouve justifié le souci de Jean-François Veilleux : soustraire à cette lacune la Mauricie et le Centre-du-Québec. L’auteur reconnaît pourtant que la région qu’il entend scruter « a très souvent été un bastion du pouvoir », et qu’elle n’est guère portée, pas plus en 1837 qu’à d’autres époques, à l’effervescence. Mieux encore, il avoue honnêtement que les Trifluviens ne se bousculent pas au portillon des patriotes glorieux : « Pour l’instant, un seul retient notre attention ».
Cette rareté de géants régionaux explique peut-être le côté échevelé du bouquin. Faute de pouvoir présenter une liste étoffée de patriotes mauriciens, Veilleux reprend à pied d’œuvre le récit global de la tourmente. Il puise alors à pleines pages dans les aspects les plus familiers de la crise. Le lecteur a droit à des pages complètes du Dictionnaire biographique du Canada, mais le nombre de patriotes de la Mauricie et du Centre-du-Québec ne varie pas… Plusieurs anecdotes savoureuses égaient le paysage, mais le titre de l’ouvrage perd sa pertinence. Pour combler le vide créé par l’absence de héros régionaux, Veilleux offrira en vain des citations d’une ampleur inégalée, de copieux extraits d’arbres généalogiques, des poèmes complets à la gloire des patriotes déportés, un compte rendu de l’intéressant bouquin d’Allan Greer, etc., mais l’unique patriote trifluvien demeurera solitaire. Même l’entrée en scène des équipes sportives de l’Université du Québec à Trois-Rivières – les Patriotes ! – s’avérera impuissante.
Les défaillances de la rédaction s’ajoutent à cette dilution du propos initial. Il est question du droit du peuple de « choisir un gouvernement de son choix ». Barthes est « reconnu quand même pour son lègue à la culture littéraire québécoise ». On se demande si les Forges du Saint-Maurice ont permis de « construire des munitions ». Mgr Lartigue « menace de pénitence » ceux qui vont se révolter. « Commence alors, pour des centaines d’entre eux, la fuite, l’exil, la prison et parfois le chemin vers la mort », ce qui fait beaucoup pour un verbe au singulier. L’équilibre sera cependant rétabli quand Barnard deviendra, à lui seul, « propriétaires de plusieurs fermes ». Et ce ne sont là que des exemples.
L’objectif méritait tous les éloges ; il les mérite encore malgré tout.
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