Après avoir publié plusieurs textes dans des revues et en collectifs, l’autrice offre un premier livre de poèmes en faveur du doute, de la quête de soi, où vie et mort marchent sur un fil.
Le livre s’ouvre sur une mythologie intime, une femme au ventre troué d’une « infinie déchirure ». C’est cet espace que Vanessa Courville invite à sonder, comme un chemin fait de ramifications, de nombreuses bifurcations. En amorce à « Un trou dans le ventre », première section du livre, une strophe comme une affirmation implacable : « tu es morte / il fait trop froid dehors pour pleurer / alors tu restes abattue / ton cadavre invite au repos ». Tout ce qui viendra ne peut être que secousse, peut soit me tirer vers le haut ou me faire sombrer.
La narratrice rencontre l’autre, la Miraculeuse, figure mystérieuse, morte ou vivante, qui marche avec elle, la regarde vivre et l’interroge. Le livre est traversé de questions primordiales : qu’est-ce qui t’effraie ?, qu’as-tu fait de ta douleur ?, qu’est-ce qui te manque ? Doucement, un glissement s’opère, la frontière se brouille et je ne sais plus qui de l’énonciatrice ou de la Miraculeuse questionne l’autre.
En déposant « […] un bouquet / sauvage au creux (du) ventre », la mort devient force, fourmillement, et le corps, lui, devient un lieu de mémoire, lieu tombeau. La narratrice tente de s’affranchir, de se construire, mais la filiation est difficile à rompre : « tu ne veux pas d’une ancêtre / seulement d’une épaule ». Entre inconfort, révolte, désir de création et d’émancipation, il ressort des poèmes de cette première partie l’envie de garder quelque chose de soi en vie, de « tout archiver dans ton corps », malgré le creux au ventre et la certitude de la mort tout près.
« une lutte constante avec la vérité
te tient en équilibre devant cette femme
que cherches-tu en elle
que tu ne portes pas déjà en toi ?
le lieu où disparaissent les questions »
Ce poème semble porter en lui l’essence du livre, une lutte contre ou avec la vérité, une recherche d’équilibre, un sens à donner au gouffre, le désir de se rencontrer soi-même, d’échapper à la fatalité.
La seconde section, « Un renversement », est des plus intéressante. Je me retrouve à travers des pages grises, comme troubles, nébuleuses, où le véritable dialogue s’amorce, entre la narratrice et la Miraculeuse. Cette partie est plus narrative, philosophique, intime, elle interroge la maternité, la féminité. La suite du livre, à travers des suites intitulées « De chair et de sang », « Les graciées de l’aurore » et « Nous sommes là », placera la filiation et le soin au cœur des poèmes. La maternité n’est pas présentée comme une finalité glorieuse, mais comme un lieu de tous les questionnements, de toutes les remises en question, de la fusion à la peur de perdre jusqu’à l’arrachement.
Si, par moments, il se dégage une distance dans certains poèmes que je sens impénétrables, comme statufiés, la puissance de plusieurs images, la justesse d’énonciation et la force de la voix poétique de l’autrice rattachent tous les fils et me maintiennent dans l’aspect vertigineux du livre. Les Miraculeuses est un recueil où la poésie de Vanessa Courville se déploie en un lieu plein et vivant. Il faut accepter les creux et les trous, en fouiller la richesse, jusqu’à en toucher la chair et l’essence. C’est à travers chutes et mouvements, en repassant par « le point exact de la douleur » que j’entre dans ce que ces poèmes ont de plus vaste.