Comme dans son précédent roman, Joies, finaliste au Prix littéraire des collégiens 2010, Anne Guilbault crée des personnages qui ont perdu leur raison de vivre. Deux voix d’endeuillés entrecroisent celle d’Adrien, narrateur principal des Métamorphoses. Les sens d’Adrien se détraquent : il voit tout en gris, perd la vision en trois dimensions et n’entend plus le bruit de ses pas. Ses seules sensations lui viennent de l’intérieur, rattachées au souvenir de Marie, partie pratiquer la médecine à New York un an plus tôt, après vingt ans de vie commune. Paz, leur fils adoptif, était parti un an auparavant.
Le roman commence au jour 7 : « Dans sept jours en comptant aujourd’hui, les camions emporteront les débris de ma vie ». L’immeuble où Adrien a vécu avec Marie et Paz est destiné à la démolition au profit d’une autoroute. En congé pour retrouver ses repères après ces bouleversements, l’écrivain et professeur de littérature s’était promis de transcrire le récit de Paz, dans le lieu où ils ont été heureux tous les trois. Les jours sont comptés. Le récit tragique de Paz, qui nous est livré par bribes, raconte sa traversée de l’océan dans un conteneur, en compagnie de sa mère et de sa sœur. Tentative folle dans l’espoir d’une vie meilleure qui s’est soldée par la mort de la femme et de l’adolescente. Double deuil du Tzigane, quelque peu adouci par son adoption.
Il faudra que sa voisine Anna, elle aussi chassée de son appartement, fasse appel à lui pour déplacer des boîtes, pour qu’Adrien sorte de sa bulle. Une relation amicale et même intime naît entre eux.
Témoin de cette rencontre, Sophie, treize ans, fille d’Anna et d’un cracheur de feu mort quand l’enfant était encore petite. Depuis qu’elle a huit ans, elle écrit son journal auquel elle confie sa solitude : « Le mien, de chagrin, il est resté enfermé dans la boîte avec papa ». Des questions demeurent sans réponse à propos de ce personnage qui, bien qu’ayant l’air d’une adolescente plutôt sage, prépare quelques surprises.
L’épilogue du livre apporte une justification au titre, car des métamorphoses apparaissent, tant chez Sophie que chez Paz et Adrien. Après avoir retrouvé la trace de Paz, Adrien pourra lui écrire : « Mais je connais chacune des étapes du chemin qu’il faut parcourir pour retrouver une raison de vivre ».
Les métamorphoses, roman de deuil et de résilience magnifiés par une écriture tout en finesse et en poésie.