Un Invité avec un grand I, quelques figurants triés sur le volet, banals spécimens de la haute bourgeoisie parisienne, de l’arriviste au déchu, en passant par tous les degrés de l’échelle dorée qui fait de celui qui les franchit un être digne de se produire sur rien de moins que l’Olympia des soirées dînatoires. À la mise en scène de ce dîner de caste, Sophie du Vivier, vibrante d’assurance et de suffisance. Aux accessoires, Sonia, domestique de son état, versée dans l’art de supporter sa patronne. Avec la caution du chef du protocole de l’Élysée, ancien flirt dont Madame du Vivier a requis les conseils, le dîner s’annonce réussi… jusqu’à ce qu’une invitée superstitieuse ne vienne déposer un grain de sable dans la mécanique parfaitement huilée : treize à table, ça porte malheur ! « Chacun vérifia aussitôt, compta et recompta les commensaux à mi-voix. Quelqu’un osa un : ‘En effet ‘ que Madamedu jugea du pire effet si l’on en crut le regard mauvais qu’elle lui réserva. Elle était effondrée mais debout. »
À ce dîner de m’as-tu-vu, Sonia est donc priée de se joindre par l’invité d’honneur. La boniche à table ? Il n’en fallait pas moins pour transformer ce dîner ostentatoire en vaudeville frisant, par moments, la foire d’empoigne de mauvaises blagues en impairs prémédités, de maladresses volontaires en propos racistes, les paroles infâmes succèdent aux arguments péremptoires et aux propos savants. Une seule note discordante : « En somme, les conditions étaient réunies pour permettre un phénomène des plus rares, qui aurait mérité d’être observé dans la sidération et l’émerveillement : l’irruption d’une parole vraie au moment juste ».
Pierre Assouline signe ici un roman que l’on savoure lentement comme un bon vin : vif, piquant, avec une pointe d’acidité, pour tout dire, qui a du montant ! De quoi satisfaire un lecteur de grands crus. Bienvenue chez « Madamedu » !