Le Nunavik désigne cette région autrefois nommée le Nouveau-Québec, qui va de la Baie-James jusqu’à la frontière labradorienne, à ne pas confondre avec le Nunavut, situé bien au-delà du détroit d’Hudson, et ne faisant pas partie du Québec.
Psychologue de formation, Marcel Rousseau a produit un essai engagé, se portant à la défense de la cause inuite. Son premier livre – substantiel – est sorti simultanément à Québec et à Paris, chez GID et à L’Harmattan, avec un ISBN différent et sous un titre légèrement abrégé pour le marché européen : Les Inuits du Nunavik. Terre, histoire et société. Marcel Rousseau a vécu durant six années auprès de la population inuite. Son essai paraît juste après l’autobiographie de l’infirmière Louisette Giroux, Aniasiurti. Récit d’une presque médecin (Tsemantou, 2020), et fait également écho au roman de Gilles Dubois, Tiriganiak, docteure au Nunavut (L’Interligne, 2020). L’introduction formule un souhait : que ces commentaires puissent « servir d’allume-débats » tout en nous invitant à nous « défaire des stéréotypes et des clichés dont nous abreuvent les magazines, les films et les reportages télévisuels ». Rousseau ajoute, avec une certaine ambition, que ce « livre est une invite à changer nos paradigmes, comme disent les lettrés ». Les deux premiers chapitres retracent la géographie et une partie de l’histoire des Inuits du Nunavik, en mentionnant l’épisode douloureux du « déplacement » par le gouvernement d’Ottawa d’un groupe d’Inuits d’Inukjuak vers Resolute Bay, dans l’Extrême-Nord canadien, en 1953. Une carte montre éloquemment la distance considérable entre ces deux endroits. Les derniers chapitres mettent en évidence les mutations identitaires rencontrées par les communautés inuites : comment passer d’une culture traditionnelle à une culture mixte et mondialisée, alimentée par Internet, le rap et, plus généralement, l’américanisation ? Face à la modernité, comment les nouvelles générations vivant au Nunavik pourront-elles préserver, valoriser leurs racines et les savoir-faire d’antan tout en s’y attachant ? Pour Marcel Rousseau, le « constat est implacable : le choc des cultures a détruit les équilibres séculaires et le retour en arrière, même partiel, est impossible ; ne pas le reconnaître est une forme de déni de la réalité ».
Passionné par son sujet, Marcel Rousseau écrit d’un style alerte. Quelques coquilles subsistent, par exemple au dernier chapitre, pour affirmer que le « défie identitaire est immense pour les Inuits du Nunavik ». Le titre même du livre laisserait entendre qu’il s’agit d’un historique, mais le parti pris de l’auteur prouve qu’il s’agit davantage d’un plaidoyer, se voulant sincère et persuasif, et non d’un livre d’histoire totalement neutre.