« C’était l’été 2012. Tous les soirs, on sortait […]. Je sortais dans la rue, moi aussi. Certains soirs, je casserolais sur le balcon. » Dès l’introduction des Filles en série, Martine Delvaux situe le contexte de l’essai et en exprime l’actualité. Et l’urgence. Romancière et professeure de littérature à l’Université du Québec à Montréal, l’auteure est née en 1968. Depuis 1998, elle a publié sept autres livres, romans ou essais.
Dans Les filles en série, l’auteure analyse la sérialité imposée aux femmes, de tout temps, véritable carcan où le « moi » n’a guère de place. « Ces jumelles dont les mouvements s’agencent parfaitement, qui bougent en harmonie les unes aux côtés des autres […]. Filles-machines, filles-images, filles-spectacles, filles-marchandises, filles-ornements. » Perte d’identité, perte d’individualité. « Un ordre qui veut maintenir les femmes à leur place. »
Martine Delvaux étaye sa théorie en dix-huit points et en autant de chapitres, de « Natures mortes » aux « Filles des bas Dim » en passant par « Comme une fille enlève sa robe », les titres sont éloquents. Elle s’appuie sur des auteurs incontournables, piliers de la cause féministe, telles Virginia Woolf, Simone de Beauvoir ou Margaret Atwood. Elle parle de Nelly Arcan, à qui elle rend hommage, des Femen ou encore de Marilyn Monroe.
La romancière revisite les contes de fées qui souvent commencent par « Il était une fois… », symbole d’un bonheur annoncé, mais ô combien factice. Delvaux met quelques points sur quelques i : « Toutes les petites filles, toutes les princesses de contes de fées sont, à un moment ou à un autre, des victimes ».
De la mondialement connue Barbie, en passant par les mini-miss, les pin-up, les soldates de Kadhafi, les célèbres Bunnies de Playboy ou les RealDoll, l’auteure analyse les répercussions de ces nombreuses filles en série sur l’image de la femme, sans toujours y aller avec le dos de la cuillère. « La RealDoll […] est de la matière synthétique pour des hommes qui veulent violer en donnant l’impression de jouer à la poupée. »
En plus de 200 pages, Delvaux défend sa thèse d’une écriture fluide, même si le rythme peut parfois être brisé par un langage trop érudit ou des citations quelque peu hermétiques. Les filles en série demeure indispensable pour se mettre ou se remettre les idées en place.
N’est-il pas vrai que « nous sommes tous des Pussy Riot » (Suzanne Moore), dont devraient se méfier les Poutine de ce monde ? Histoire à suivre.