En rendant accessible une iconographie régionale d’une extrême minutie, Gaston Cadrin contribue de façon éclatante à épanouir la conscience historique des citoyens de la Côte-du-Sud. Cette population l’appréciera, éprouvée qu’elle fut à plusieurs reprises au fil du temps. Du fait de leur situation géographique, les habitants de la Côte-du-Sud eurent à subir la pyromanie des envahisseurs anglais lors de la Conquête, puis, une quinzaine d’années plus tard, l’affrontement entre les troupes étatsuniennes et les soldats de Sa Majesté, et enfin la terrible saignée démographique induite par la raréfaction des terres cultivables et l’attrait des filatures de la Nouvelle-Angleterre. Que des motifs de fierté et de mémoire leur soient offerts pour exorciser le souvenir des abus cléricaux commis en supplément, il faut en savoir gré à Gaston Cadrin.
Car le haut clergé est au cœur de ce que la rumeur évoque en référant aux excommuniés de Saint-Michel-de-Bellechasse. Quand Mgr Briand ordonna aux citoyens québécois d’aider les troupes britanniques à repousser les envahisseurs américains, il heurta les convictions d’une majorité. D’une part, parce que la population de la Côte-du-Sud se souvenait des exactions anglaises ; d’autre part, parce que certains espéraient tirer d’une victoire américaine un regain d’intérêt de la France à l’endroit du Canada. Certains citoyens, dont l’ancêtre de l’auteur, désobéirent à l’évêque Briand, prélat autoritaire et d’une servilité criante face au pouvoir britannique. Quand ils s’entêtèrent, interdiction fut faite aux curés de les inhumer en terre consacrée. L’ancêtre Cadrin substitua sa terre au cimetière paroissial ; elle accueillit, au rythme des décès, les corps de cinq rebelles. Furent-ils excommuniés ? Non, mais ostracisés.
Gaston Cadrin ne prétend pas liquider toutes les questions tisonnées par ce rappel. Il s’explique mal, par exemple, que huit noms, et non pas cinq, fassent défaut dans les registres paroissiaux des sépultures. Il déplore que les corps des récalcitrants, au lieu d’être honorés par une stèle quelconque, aient été déplacés à la demande des nouveaux occupants de la terre des Cadrin et réensevelis dans la partie du cimetière religieux réservée aux enfants morts sans baptême. Comment ne pas lui donner raison ?
L’ouvrage, par le caractère répétitif des actes notariés ou des ventes à l’encan, paraîtra longuet à ceux qui n’ont aucun lien avec la Côte-du-Sud. En revanche, ceux qui vivent un attachement à cette région liront avec intérêt et fierté l’hommage rendu à « ce peuple à la nuque rebelle ».
Autant l’iconographie séduit, autant dérangent les multiples renversés (surtout les lettres blanches sur fond noir et luisant).
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