De 1970 à 1981, une modeste famille catholique d’Aix-en-Provence voit déferler sur la France – et sur la terre entière – mille bouleversements politiques, technologiques, économiques et sociaux. Parents et enfants chercheront leur place dans ce pays où le chaos semble le nouveau maître des circonstances.
Après le succès de son dernier livre Bakhita – une biographie romancée d’une esclave nubienne (1869-1947) qui sera canonisée –, l’autrice et comédienne Véronique Olmi revient à ses origines dans son treizième roman, Les évasions particulières. Native de Nice, elle revisite le sud de la France afin de raconter la saga des Malivieri. Autant les parents Bruno et Agnès que leurs filles Sabine, Hélène et Mariette devront faire face à la rébellion qui s’empare de qui n’a traditionnellement pas de voix, soit les jeunes et les femmes.
Dans cet après-Mai 68, alors que la révolte des étudiants avait grondé avec véhémence, la planète bouillonne d’autres événements marquants tels l’émergence du féminisme, la guerre du Vietnam ou encore les premiers chocs pétroliers, qui verront naître les balbutiements des partis écologiques. La France connaîtra l’entrée en scène des paysans du Larzac, un mouvement de désobéissance civile non violente, en lutte contre un projet d’agrandissement d’un camp militaire. Pendant cette décennie, trois présidents déferont et referont les jeux, soit Pompidou, Giscard d’Estaing et Mitterrand, chacun teintant la politique de son idéologie de droite ou de gauche.
À travers les yeux des jeunes filles défilent les prises de conscience de l’époque, auxquelles ces dernières réagiront chacune à sa façon. Il y aura d’abord en 1971 la publication du manifeste des 343, une pétition réclamant l’avortement libre et gratuit signée par des centaines de femmes. « La lecture du manifeste dans Le Nouvel Observateur, rebaptisé par Charlie des 343 salopes, avait laissé Sabine si désemparée qu’elle avait caché le numéro. » Puis en 1978 a lieu chez elles, dans leur ville universitaire, un procès retentissant demandant et obtenant que le viol soit reconnu comme un crime. Avec la libéralisation de l’avortement et l’arrivée de la pilule contraceptive, l’émancipation des femmes est plus que jamais inévitable, ce que les Malivieri ne tardent pas à réaliser.
Au fil des années, chaque membre de la famille grandit à sa manière, à son rythme et selon ses besoins, ce qui donne tout l’intérêt au livre. S’y reconnaîtra avec plaisir la génération des baby-boomers, qui a participé plus ou moins activement aux luttes nécessaires pour accéder à une société plus juste. Dommage que les personnages de Véronique Olmi ne semblent vibrer qu’aux événements de leur mère patrie ; leur ignorance des bouleversements internationaux est étonnante, comme s’ils n’étaient pas vraiment intéressés par ce qui se passait ailleurs.