Quatuor humoristique issu des années 1960, les Cyniques sont parfois considérés comme les pionniers de l’humour moderne au Québec, faisant suite à une longue tradition burlesque à laquelle ils auront quelquefois ajouté une touche plus intellectuelle. Ces anciens étudiants de l’Université de Montréal ont raillé, imité, critiqué, ridiculisé la morale et les personnages dominants de leur époque : le clergé, les politiciens populistes, mais aussi les minorités et les groupes ethniques (les Canadiens anglais, les Italo-Montréalais, les Juifs, les Français, les Américains). L’humour corrosif des Cyniques pouvait arracher un éclat de rire chez les spectateurs les plus antiracistes, par exemple avec ce sketch proposant un cours de racisme. Dans cette veine didactique, un autre sketch donnait un cours de sacre, avec exemples à l’appui. Le plus souvent, l’humour des Cyniques oscillait entre la satire, le grotesque, le grossier, l’irrévérencieux et le vulgaire (par exemple, leur parodie de « Feu Paul Comtois »).
Attendu depuis longtemps, ce premier livre à être entièrement consacré aux Cyniques se subdivise en deux parties : d’abord, une transcription de presque tous les sketchs des Cyniques, suivie de sept études sur leur contexte, qui nous donnent l’occasion de saisir toute la portée de leurs numéros. Toutefois, il resterait à faire une critique du travail des Cyniques que seul le passage du temps permet, en se penchant sur les habituelles cibles de ce quatuor d’universitaires, par exemple les émissions populaires du Canal 10 animées par « des tas », ou cette allusion aux « grosses dames de la rue Panet », quartier de l’est situé à l’opposé du secteur de l’Université de Montréal. Nonobstant une capacité à faire rire, leur humour trahissait un élitisme certain. Une autre étude critique pourrait identifier les sketchs non insérés dans cette (presque) intégrale ou encore cibler des personnalités publiques épargnées ou rarement attaquées par leurs blagues, par exemple les souverainistes ou encore René Lévesque, qui pourtant fut souvent imité par d’autres humoristes, comme Claude Landré et Jean-Guy Moreau.
Tenter de lier l’œuvre des Cyniques avec l’esprit de la Révolution tranquille apparaît comme un pari audacieux. Leur contemporanéité ne devrait pas forcément impliquer une quelconque influence mutuelle. Il faudrait plutôt comprendre que les Cyniques ont su capter l’air du temps et le transposer dans un humour caustique, sans pour autant incarner cette Révolution tranquille.