Simon Rosenberg, alias Rozie, alias Christopher Moar, cuisine des amphétamines dans un conteneur enterré au cœur des bois, quelque part entre la lie du baril et la rivière Mistassini, au nord du Lac-Saint-Jean.
Dans ce genre d’endroit où les hommes se confondent avec les bêtes. Où les visages durcis impriment sur leurs traits l’inhospitalité du territoire. « Il y en a qui disent qu’à Fond-du-Lac, une balle de fusil est considérée comme une mort naturelle », résume ainsi le narrateur à propos du village fictif, un authentique havre de paix passé au crible de la ruralité trash et du réalisme noir.
C’est dans ce coin de pays fantasmé à partir de son Girardville d’adoption que Julien Gravelle a campé le décor de son nouveau roman « noirdique », Les cowboys sont fatigués. Rappelons que Gravelle, Franc-Comtois d’origine, s’y est installé en 2006 et qu’il partage depuis son temps entre l’écriture et la nature où le conduit sa fonction de guide de plein air. Plus qu’un terrain de jeu, le territoire est pour lui une source d’inspiration qui a fourni un cadre à ses quatre précédentes publications.
Rozie, pour revenir à celui-ci, égrène donc dans ces marges une dette obscure, contractée de longue date, en compagnie de ses chiens de traîneau. Il se terre aussi depuis qu’une bombe artisanale de son cru a pété en France en arrachant les mauvaises têtes. Ses journées s’écoulent, pareillement tranquilles, au son de son antique presse à « pinotes ». S’écoulaient, plutôt, puisque Bernard, le boss du coin, est soudain retrouvé raide mort, le corps criblé de balles.
L’enquête de la police réveille alors de vieilles histoires en menaçant l’anonymat du « cook », tandis que l’équilibre de la pègre locale chancèle. Les jeunes du coin, Ti-Cul, Steve, Martin et les autres, veulent « monter ». Rozie, autant que le vieux Jocelyn, souhaite pour sa part assurer ses arrières.
Comme un musher entraîné sur un sentier plein de détours et de rebondissements imprévus, Gravelle nous mène à travers les remaniements occasionnés, pour une balade parmi les bois égarés, à la rencontre des descendants mal dégrossis d’une race de pionniers qui ont troqué le godendard pour le SIG. Avec son intrigue haletante, ses personnages crédibles de bandits ordinaires et son envoûtante atmosphère d’univers frontalier, Les cowboys sont fatigués présente largement de quoi rester éveillé.