« Tout en moi carillonne », dira quelque part dans son premier livre Ivan Bielinski. Mais n’allez pas croire trop vite à la fête : c’est plutôt à une lente conquête de ses propres harmoniques que nous convie le poète, d’abord connu en chanson sous le nom d’Ivy. Si les espoirs les plus fous s’esquissent parfois dans ces vers, ce n’est jamais sans des notes plus basses, enterrement et naissance semblant s’entrecroiser pour que s’épanouisse la présence au monde.
« Convoqués au dernier étage d’un building / pour une séance d’information / nous suivons notre hôtesse jusqu’à la fenêtre // l’un après l’autre / nous nous y jetons / tête première. » Dans ce poème initial, on nous laisse entendre que tout ne tourne pas rond chez les terriens et le recueil entier témoignera d’une difficile accession à soi, entre une campagne grouillante de significations et une ville qui ne fera pas de quartiers, où, parmi les crimes quotidiens, « la rumeur court / que je trouverai l’amour / au milieu des balles et des corps / perdus ».
À travers une expression précise et mesurée, Ivan Bielinski trace les contours de sa solitude sur un fond de désastres, alliant de belle façon les confidences et des ouvertures plus oniriques. En sa compagnie, on peut ainsi se demander « combien de bouches ont dicté ce manuscrit / en suspension / au dessus de la rue ? », dans une avancée musicale qui veille à ne jamais laisser la parole se désincarner.
« Sur la petite vitre / les spores libérés [sic] par la mort de l’amanite / dessinent une forme blanche // on dirait un ange. » Dans cette conclusion se lit toute la subtilité de ces poèmes, où l’image est rendue aussi nécessaire qu’inédite. Épreuve des mots, épreuve de soi, Les corps carillonnent mérite amplement le détour. NB