La cuvée 2003 des éditions du Seuil est généreuse puisqu’elle nous offre deux Mankell en l’espace de quelques mois. Fort différents l’un de l’autre, les deux romans sont, sans contredit, de la bonne littérature. Les traductions françaises des polars de Henning Mankell n’étant pas parues dans l’ordre de publication suédoise, Les chiens de Riga, l’une des premières enquêtes de l’équipe de policiers d’Ystad, nous permet de mieux cerner encore l’attachant enquêteur : c’est, pour les familiers de l’auteur, comme une longue confidence qui nous révèle un pan du passé de Kurt Wallander : ses problèmes de santé, sa houleuse relation avec son père, les débuts de ses amours avec la lettone Baïba, veuve du major Liepa car, justement, l’intrigue se déroule dans la capitale de la Lettonie, Riga, qui vit à l’époque de grands bouleversements.
Comédia infantil, porté à l’écran en 2000 sous le titre de Comédie enfantine, fait dans un tout autre genre que la série de polars de l’auteur actuellement traduits en français. Le roman met en scène des enfants de la rue, en Afrique, et plus particulièrement le jeune Nelio, rescapé d’un village pillé et détruit où la plupart des siens ont été sauvagement massacrés. Nous voilà plongés au cœur du continent noir, et le dépaysement est total : il s’agit d’une fable urbaine dont les héros, une bande de gamins aux regards d’adultes, luttent au jour le jour pour leur survie. Nous sommes au centre même de la vie, là où palpite ce qu’elle a de plus naturel mais aussi de plus ténu, l’espérance. Car l’espérance prend ici tout son sens : on espère un abri, de la nourriture, des chaussures, on espère échapper aux agressions, susciter la compassion, faire partie de la bande, on espère aussi un monde meilleur… « C’est souvent ainsi. L’être humain peut tout aussi bien aspirer à une poubelle qu’à une vie éternelle. » Devant autant de misère et de fragilité, on réalise que toute vie est un sursis.