Son premier roman, 117 Nord, finaliste au Prix du gouverneur général en 2017, lui avait valu un bel accueil de la critique. Les champs penchés, écrit d’une plume riche et habile à décrire paysages et atmosphères, confirme le potentiel d’écrivaine de son autrice.
Sauf que ce roman, qui nous entraîne avec Neil des plaines manitobaines à la campagne néozélandaise, effleure plusieurs histoires sans en conduire pleinement une seule.
Neil, dix-neuf ans, part à l’aventure. Il quitte son père au Manitoba et se retrouve en Australie, où il fréquente bars et tavernes comme il le faisait au Canada. Il rencontre Édith, se marie et ils achètent une ferme. Un soir, dans un bar, un ostéopathe ayant observé ses mains l’aborde et le convainc de venir à son école. Parmi les patients qui feront appel à lui se trouve une femme dans la quarantaine, Leslie, qu’il soignera chez lui et qui s’intégrera à la famille après une vie d’aventure. Quelques personnages s’ajouteront, dont la fille de Neil et Édith, Alyssia, puis le fils de cette dernière. On n’y raconte pas à proprement parler une histoire ; on a droit plutôt, pour chacun des personnages, à une tranche de vie. Des questions surgissent en cours de récit, qui ne reçoivent pas de réponse.
Quatorze sections, titrées d’un nom de lieu où interviennent les personnages, regroupent chacune plusieurs courts fragments sans ordre chronologique. Cette construction du roman par fragments, telles des pièces de puzzle éparses qui trouvent leur place au fur et à mesure qu’avance le récit, est normalement de nature à créer un suspense. Mais encore faut-il qu’il y ait de l’action, des péripéties, quelques effets de surprise. Or, l’action est dépourvue de ressort. Sans compter que la description du comportement des personnages, à l’instar d’un film muet, ne nous donne pas accès à leurs sentiments, émotions et motivations. Le choix d’un narrateur externe à la troisième personne y est sans doute pour quelque chose. Par ailleurs, on peut regretter que le potentiel d’exotisme qu’offre la Nouvelle-Zélande ait été peu exploité, même si la romancière a plutôt choisi de montrer la ressemblance entre la campagne manitobaine et la campagne néozélandaise.
Les champs penchés ne manque pourtant pas de voies à explorer, de portes à ouvrir à partir des thèmes abordés, notamment l’abandon par la mère subi par Leslie, Neil et son petit-fils ; l’abus d’alcool par Neil, sa mère avant lui et son petit-fils ensuite ; les relations amoureuses de Leslie et Jono, puis Mark ; l’exclusion subie par Leslie chez les Maoris ; enfin, les explorations en kayak dans les rapides.
Bref, le roman de Virginie Blanchette-Doucet s’avère une œuvre pleine de possibilités, mais décevante parce que dépourvue d’intrigue. Un carrefour aux voies bloquées.