Le destin tragique d’Irène Némirovsky ne cesse d’étonner. Née à Kiev en 1903 d’une richissime famille juive et morte à Auschwitz en 1942, l’écrivaine franco-russe obtient le Renaudot 2004. À titre posthume, bien sûr.
La fille de l’auteure, Denise Epstein, extirpe en effet d’une malle ayant appartenu à sa mère un manuscrit inachevé, la Suite française, qu’elle fait publier. Succès et reconnaissance à la clé. Consacrer un disparu est une première dans ce monde prestigieux, décision qui sera par ailleurs abondamment contestée.
Irène Némirovsky n’était pourtant pas une inconnue lorsque sa brève carrière a été brisée. De 1926 à sa mort, elle avait publié une douzaine de romans. À partir de 1946, sept romans posthumes ont suivi.
À mi-chemin entre l’ingénuité de la comtesse de Ségur et l’intelligence amère d’Yves Navarre, Goncourt 1980, Les biens de ce mondeaborde la France provinciale et pudique de l’époque. « Elle se tenait debout dans la rue […], tête nue. C’était de la dernière inconvenance de se montrer ainsi, sans chapeau ni manteau. »
Du début du XXe siècle jusqu’à la Seconde Guerre, ce chassé-croisé de familles bourgeoises amuse et intéresse parfois mais lasse souvent. « Ces dames […] avançaient avec peine […] mais, naturellement, l’idée de se déchausser ne leur serait pas plus venue que celle d’ôter leurs corsets. » Irène Némirovsky écrit bien mais ne réussit guère ici à se démarquer de ses nombreux compétiteurs.
Le roman se termine sur une note d’espoir, tristement ironique quand on sait la fin du couple Némirovsky-Epstein. « Il lui semblait qu’elle avait fait sa moisson […], que tous les biens de ce monde avaient été engrangés par elle […]. Ils achèveraient leur vie ensemble. »
Sympathique mais vieillot, le roman semble découpé pour en tirer rapidement un scénario de film. L’habitude, peut-être ? Il est vrai que certains romans d’Irène Némirovsky ont été portés à l’écran, David Golderen 1929 et Le bal l’année suivante – qui révélera la grande actrice Danielle Darrieux.