Il est de ces écrits qui vous ébranlent, qui vous bouleversent, qui vous atteignent jusqu’au plus profond de votre être. Il en va ainsi de ce récit, que l’on devine inspiré de l’univers immédiat de l’auteur. L’histoire d’une vie gâchée…
À la suite d’un événement dramatique, Marie est interrogée par une personne investie d’une certaine autorité. Les questions et interventions de cette personne étant passées sous silence, l’histoire racontée par Marie, celle de sa vie, se trouve présentée sous la forme d’un long monologue.
Dès sa naissance, en 1948, Marie subit la violence et le mépris de ceux et celles qui auraient dû normalement assurer sa protection et son éducation. Son enfance est marquée par les brimades d’une mère, Jeannette, qui lui lance volontiers qu’elle ne voulait pas d’un môme, qu’elle est née pour l’emmerder, que malheureusement « les cachets n’ont pas fonctionné ». Marie se trouve donc rapidement placée chez une nourrice, qui la frappe et qui inflige le même traitement à son petit frère Robert, venu la rejoindre deux ans plus tard (les cachets n’ayant toujours pas fonctionné). Les visites de Jeannette, de même que celles du père, Christian, se font rares. Les mauvais traitements sont tels que le petit Robert décède à l’âge d’un an. Ce qui force l’intervention de l’oncle Nénesse (Ernest) et le déménagement de Marie chez une autre nourrice. Mais personne ne juge bon d’informer les autorités de cet infanticide.
À six ans, Marie se retrouve chez la « Mère bégonias » qui, en plus de taper, sait se montrer cruelle envers la petite fille. Par la suite, l’histoire de Marie devenue adulte reste à l’avenant : déceptions, violences, abandons, survie. On en vient à avoir irrépressiblement envie de la serrer dans nos bras, afin de lui chuchoter à l’oreille : « Ça va bien aller maintenant… » Même si on sait bien, au fond, que quelque chose en elle s’est irrémédiablement brisé, qu’il ne peut en être autrement.
Cet ouvrage de Denis Belloc est d’une grande dureté, mais il faut le lire pour savoir à quel point certaines existences peuvent se révéler difficiles, pour comprendre ces êtres condamnés dès le début à affronter seuls un monde hostile et sans pitié.
À vrai dire, c’est une situation que Denis Belloc connaissait très bien, pour l’avoir lui-même vécue.