Pierre Nepveu a écrit un beau livre qui constitue une réflexion profonde sur la lecture et sur les lieux qu’elle fait surgir, qu’elle avive et qui sont l’ancrage d’une conscience particulière de présence au monde. Après nous avoir offert une présentation métaphorique de Mirabel et de ses surprenantes transformations dans Lignes aériennes, il se penche ici sur les « géographies montréalaises » en s’attardant, surtout, sur Jacques Ferron et ce que l’écrivain appelait son petit Farouest, dans un long texte qui éclaire de façon particulière l’œuvre, la vie même et les errances littéraires de cet énigmatique médecin des pauvres qui avait choisi de vivre « dans le voisinage de marais et de marécages non encore asséchés » de l’ancien faubourg Jacques-Cartier, un monde transitoire et dysfonctionnel qui n’était pas sans rapport avec l’état d’esprit de Ferron lui-même vers la fin de sa vie. Ce « lieu » ferronien illustre en quelque sorte le thème de ce recueil sur les lieux et paysages de la poésie québécoise où Pierre Nepveu situe fort justement l’œuvre de Ferron parmi celle des autres poètes. Il faut aussi souligner un hors-texte fort intéressant sur « Cioran [qui n’est pas Québécois] ou la maladie de l’éternité ».
Lecture des lieux projette un nouvel éclairage sur tout un pan de l’imaginaire littéraire québécois.