Les ouvrages collectifs sont souvent des fourre-tout où plusieurs auteurs trouvent un lieu de publication pour leurs recherches individuelles sans qu’une structure d’ensemble ne vienne amalgamer les divers travaux. Il en résulte chez le lecteur un sentiment de dispersion. Il faut ici reconnaître le mérite de Pierre Rajotte, qui a su construire un ouvrage collectif qui dresse un portrait complet de la problématique de l’écriture du voyage dans la littérature québécoise au vingtième siècle. Rajotte a non seulement réuni des spécialistes, mais il leur a attribué l’un ou l’autre des types de récits de voyage. En cela, l’ensemble des pratiques d’écriture du déplacement sont couvertes, que ce soit les récits de pèlerinage, de missionnaires, de tourisme, d’expédition, de guerre, de voyages fictifs ou ceux destinés à la jeunesse.
À travers ces grandes catégories, les collaborateurs ont réussi à la fois à brosser un portrait chronologique d’une pratique d’écriture, à proposer un vaste panorama qui en montre la diversité et l’abondance et à signaler les moments de transition. Ainsi, l’ouvrage fait ressortir la richesse du thème du voyage dans la littérature québécoise et souligne son importance pour comprendre la relation au territoire, à la nature et aux autres cultures. Parce que le collectif ne se divise pas en fonction de la destination des voyages, parce qu’il se concentre sur les problèmes de genre et sur les rapports à l’altérité, Le voyage et ses récits au XXe siècle nous fait comprendre différemment la sempiternelle distinction entre la sédentarité et le nomadisme. C’est là un des nombreux mérites de cet essai qui présente un large panorama où le voyage éclaire plusieurs thèmes qui forgent les littératures contemporaines.
Malgré quelques redites dues au caractère chronologique des chapitres, qui laisse toujours apparaître une métamorphose dans le genre étudié au milieu du siècle, cet essai balaie bien son terrain de recherche et montre à l’envie la pertinence de ce thème dans le corpus québécois, comme en fait foi la longue liste de récits répertoriés. Somme toute, l’écriture du voyage aura permis à de nombreux écrivains de médiatiser leurs rapports au monde et à eux-mêmes et ainsi de relativiser le débat identitaire québécois.