Le voyage des morts a été publié en 1959 aux éditions La Nef de Paris, sous le pseudonyme d’Abdallah Chaamba, derrière lequel François Augiéras s’était dissimulé cinq ans plus tôt pour faire paraître aux éditions de Minuit son maître livre, initiatique et scabreux, Le vieillard et l’enfant. L’ambiance est analogue. L’Afrique du Nord sert de cadre aux confessions brûlantes d’un jeune nomade nietzschéiste, sexuellement lié aux garçons, aux jeunes filles et aux bêtes. Ses aventures choquantes et mystiques sont rapportées sur arrière-plan confus de pays en guerre, l’Algérie, lancée sur la voie houleuse de l’accession à son indépendance. Augiéras use d’un ton exalté, élégiaque et pervers tout au long de ce journal tenu à l’époque où il était berger dans le Sahara. Le curieux cantique des cantiques païen qui en résulte et auquel André Gide ne serait pas demeuré insensible (Le vieillard et l’enfant fut l’une de ses ultimes joies de lecture) transporte « un accent humain imprévisible », qui rend malaisée la comparaison d’Augiéras avec tout autre écrivain. Quant à Un voyage au mont Athos, ce « chef-d’œuvre de l’insolite » selon Étienne Lalou, il fut achevé en 1968 et publié deux ans plus tard chez Flammarion grâce à l’intervention de Jean Chalon, grand admirateur de l’œuvre d’Augiéras. Comme les autres livres d’Augiéras, Un voyage au mont Athos puise son inspiration dans la réalité. Augiéras séjourna dans des monastères orthodoxes de la Montagne Sainte, caressant même le projet de s’y faire admettre (ce qui ne lui fut pas accordé, sa dévotion étant fort détournée du Christ). À la différence des autres écrits d’Augiéras, le récit de ses aventures revêt ici une apparence fantastique, un langage plus délibérément symbolique, l’auteur voulant par là relater l’odyssée d’une âme au « Pays des Esprits », en quête d’accomplissement et de retour à la « Claire Lumière Primordiale ». Fidèle à ses habitudes, Augiéras passe sans transition de l’assouvissement des plaisirs physiques aux extases panthéistes. Une lettre du Père Athanase, reproduite en ouverture, présente ce texte comme « le récit d’une âme qui s’apprête à voir Dieu ». Lus bout à bout, ces deux « Voyages » font bien voir la prodigieuse singularité qui était celle d’Augiéras.
ESPACE PUBLICITAIRE
DERNIERS NUMÉROS
DERNIERS COMMENTAIRES DE LECTURE
Loading...