Voyage, initiation, métamorphose et découverte de soi représentent certainement les thèmes structurants de la vie. Et pour se découvrir soi-même, souvent il faut être confronté à l’inconnu. Dans cette optique, l’ailleurs constitue l’endroit par excellence pour amorcer, consciemment ou inconsciemment, une quête personnelle susceptible de permettre à l’individu de définir sa vraie personnalité. Voilà précisément ce que propose le roman de Jean-Louis Tremblay, Le temps d’un roman.
C’est en cédant la parole à un narrateur-personnage que l’auteur interpelle le lecteur. Propulsé dans le Québec des années 1960, ce dernier rencontre un jeune homme qui attend fébrilement l’invitation devant lui permettre d’aller séjourner chez son ami américain Michael. Le lien constant entre le Québec et les États-Unis caractérise dès le départ la structure de l’aventure : la richesse et la réussite américaines s’opposent à la misère québécoise. Antinomie certes caricaturale, mais qui incitera tout de même le protagoniste à réfléchir sur sa condition. L’ambivalence ressentie à l’arrivée à Boston suscite un mélange d’émotions. Le dépaysement semble angoisser le voyageur, alors que la découverte de l’inconnu l’excite. Rapidement s’installe une routine à laquelle il apparaît difficile de déroger. Entre les leçons d’anglais et le sport s’insère toutefois une occupation qui ne fait pas sensation : courtiser les jeunes filles. Le lecteur est, dès lors, amené à l’enjeu principal du voyage : une quête de soi qui passe par la découverte de l’autre. Et c’est dans ce monde « à la page » que le héros – qui, fait à noter, ne possède pas de prénom – parviendra à se découvrir et à reconnaître son orientation sexuelle. Ce voyage avait donc une fonction précise : mener le personnage vers la maturité, il est « comme un passeport pour ma vie adulte », de dire le voyageur. Construit tel un roman d’apprentissage, ce récit illustre bien les différents passages de la vie en les exprimant par les étapes du voyage – le départ, les épreuves et le retour à la vie réelle, après transformation(s). Le temps d’un roman mise sur un archétype universel et toujours enrichissant, celui de l’initiation qui mène à la transformation non sans accrocs d’un personnage.