Presque vingt ans après sa parution, Le souffle de l’harmattan conserve le charme de ces textes qui, sans être de purs chefs-d’œuvre, laissent sur leurs lecteurs une empreinte durable. Écrit au milieu des années quatre-vingt, à l’époque où les télévisions occidentales montrent les images insoutenables de la famine au Sahel et en Éthiopie, le premier roman de Sylvain Trudel se distingue par une écriture qui lie à l’originalité et au foisonnement verbal la pudeur et la délicatesse du ton.
Tous les deux orphelins, Hughes Paradis et Habéké Axoum décident d’être amis dès leur rencontre, comme s’ils étaient unis par une communauté de destins. « Chez nous, je correspondaisà tout ce qui donne mauvaise conscience. C’était la même chose pour Habéké ; il correspondait à un Africain tout nu et à gros ventre qui regarde dans les cuisines par la fenêtre du téléviseur, le soir au téléjournal, pour lorgner les bons aliments qui fument sur nos tables. » Loin de vivre leur singularité comme une tare, les deux enfants orphelins rêvent de liberté, d’amitié fraternelle et de terres lointaines. Mus par une grande générosité et une candeur sans pareille, Hughes et Habéké tentent vainement de sauver Odile, une jeune fille dont la vie est constamment menacée par des caillots sanguins qui entravent l’irrigation de son cerveau. Un projet, beau mais désespéré, que Hughes résume ainsi : « On voulait l’irrigation de ses pays secs pour qu’une saison des pluies redonne la vie à ses arbustes fruitiers ». Quoique drôle et savoureuse, l’écriture de Sylvain Trudel nous révèle la face sombre de l’existence, l’hypocrisie des adultes et les dangers de la conformité érigée en règle de vie. Sylvain Trudel nous introduit dans un univers aux antipodes du « monde merveilleux » de Walt Disney.