Dans Le sort de la culture, Fernand Dumont a rassemblé des articles écrits entre 1978 et 1986 ; il s’y révèle à la fois sociologue, philosophe et historien. Si l’ouvrage n’a pas la cohérence du Lieu de l’homme (1968), il peut servir de porte d’entrée car il est de lecture plus facile. De plus, la pensée de Fernand Dumont s’est raffinée au fil des ans, et elle s’incarne ici dans des études plus concrètes, sur le Québec et la religion, notamment. Les trois articles sur la culture populaire, sur la culture savante ainsi que sur la « culture dispersée », à la fin de la première partie, introduisent à l’œuvre théorique de Dumont, et celui sur l’histoire de la pensée québécoise, à ses travaux sur les idéologies et à Genèse de la société québécoise (1993).
Le sort de la culture, qui se définit par sa place entre la mémoire et l’utopie, entre le passé et le projet, est toujours incertain. Dès le prologue Dumont affirme que la culture a toujours été en crise : « […] après tout, si nous rêvons, si nous pensons, si nous créons, c’est parce que nous ne sommes pas en accord avec le monde. Pas de crise, pas de culture ». Mais la question qui se pose avec plus d’urgence, selon lui, est celle de la possibilité actuelle d’une culture commune. La question était déjà au cœur du Lieu de l’homme (1968) comme elle le sera dans Raisons communes (1995).
Paradoxalement, la plupart des textes n’ont pas vieilli, même s’ils portent la marque de l’époque où ils ont été écrits. Cela tient à la largeur de vue du penseur. Le seul dont le titre nous renvoie quelques années en arrière est celui sur la « société de jeunes », mais comme Dumont réfléchit beaucoup dans l’article sur les rapports entre les générations, le lecteur du XXIe siècle y trouve matière à réflexion. Le texte sur le développement culturel, qui ouvre le livre, est à mon sens celui qui a le plus vieilli, car il est très près des enjeux de 1979, où paraissait le livre blanc sur le développement culturel.
L’ouvrage est accompagné d’une excellente préface de Micheline Cambron, qui vaut à elle seule le détour.