Où l’auteur tente de se rendre intéressant par ses sautes d’humeur, sa mauvaise foi et ses considérations ineptes sur l’environnement naturel.
Le livre se présente sous la forme d’un journal couvrant les douze mois de 2022, l’année où un derecho fit des ravages dans le tissu forestier des Laurentides. En janvier, à l’abri du froid dont il ne cesse de se plaindre, le rédacteur du journal observe de sa fenêtre les passereaux attirés par les boules de suif suspendues à leur intention. Un roselin pourpré s’étant assommé dans une vitre, l’homme sort de sa tanière pour examiner la victime et l’aider à se remettre d’aplomb. Une nuit de grand froid, il dit entendre les clous éclater dans les murs, s’en tenant ainsi à la légende, alors qu’en réalité ces craquements sont produits par la rupture de fibres du bois de charpente. Les quelques pages dédiées à janvier pourraient être dues à un jeune citadin récemment déporté en campagne. Or, il n’est pas besoin de longues recherches pour découvrir que l’auteur a atteint un âge respectable. Il nous confiera d’ailleurs dans son livre habiter sa maison des Hautes-Laurentides depuis quatorze ans.
La trame de fond des événements narrés au fil des jours émerge en février, lorsque le mémorialiste avoue fonder sa méthode d’aménagement forestier sur ses préférences esthétiques. « Je soigne avec attention une vaste superficie qui s’apparente désormais à un parc, maintenant que je l’ai nettoyée de la plupart des arbres morts qui l’encombraient. » Du même souffle, il reconnaît que son parti-pris a détruit l’habitat des lièvres et des perdrix, chassant également de son boisé un bon nombre d’espèces aviaires. On sait en effet depuis belle lurette que le bois mort en forêt est essentiel à la vie de nombreux organismes. Il est utile non seulement aux mammifères et aux oiseaux, mais aussi entre autres aux amphibiens, insectes, mousses, lichens, champignons et bactéries. La raréfaction du bois mort au sol, en plus de réduire la biodiversité, nuit à la séquestration du carbone et à la fertilité du sol. En nettoyant sa forêt pour en faire un terrain propre, l’auteur fait le contraire de ce qui devrait être fait pour en assurer la vitalité. Et comme si ce n’était pas suffisant, il se débarrasse du bois mort dont il ne supporte pas la vue en le faisant brûler. Une grande quantité de gaz carbonique est alors libérée dans l’atmosphère en quelques heures, tandis que le bois mort laissé au sol aurait laissé échapper sur une période pouvant atteindre plusieurs décennies le CO2 emmagasiné au cours de sa vie. Sans compter qu’avec l’augmentation alarmante des feux de forêt ces dernières années, il est plutôt incongru de s’entêter à allumer des brasiers en plein cœur d’une région forestière. Toujours est-il qu’au mois de mai, la tempête frappe et les 22 acres de forêt de François Landry sont dévastées. Aussitôt, notre bûcheron intempestif se remet à la tâche et entreprend une grande corvée de tronçonnage et de brûlage, en vue de pouvoir à nouveau un jour circuler « à son aise » dans son domaine.
Décidément fort mal adapté à son environnement, l’auteur fait état sans aucune gêne de ses manies en contradiction avec les principes élémentaires de l’écologie. Non content de s’en prendre aux arbres, il perturbe le système digestif des cerfs en leur servant de pleins bacs de maïs. Quand les écureuils attaquent ses mangeoires réservées aux oiseaux, il les chasse à la fronde avec des billes d’acier. Se qualifiant lui-même de gentleman timberjack, l’homme dédaigne pourtant l’affûtage et préfère remplacer par une neuve la chaîne émoussée de sa tronçonneuse. En fin de compte, était-il vraiment opportun, de la part de l’éditeur, de publier dans la collection « L’œil américain » un auteur qui se permet d’écrire : « [J]e hais l’hiver québécois, bourreau du vivant, qui ne sait qu’estropier, mutiler, avilir, dégrader… » ? On peut au moins concéder que le triste sire a la plume alerte. Bien que son style soit un peu affecté, on aimerait se laisser séduire par la qualité évocatrice de ses descriptions de la flore et de la faune. Mais l’ensemble de l’œuvre est perverti par l’attitude suffisante du propriétaire terrien, dont la conduite est entièrement redevable à ses goûts douteux.