Même après presque quatre siècles d’existence, l’Académie française reste une énigme. Auguste aréopage de la culture française, taxée d’inutilité et de désuétude, elle continue pourtant à jouir d’une remarquable notoriété. Sur un ton mi-badin mi-sérieux mais toujours juste, le journaliste et écrivain québécois Louis-Bernard Robitaille tente de dévoiler ce « mystère de l’éternelle survie – et de gloire – de cette Académie dont personne, en France, ne sait à quoi elle sert ». Documents à l’appui, il démonte ses indéfectibles rituels protocolaires et ses mécanismes, rappelle certains moments clés de son histoire, touche du doigt les intrigues souterraines, les petits et les grands secrets qui ont ponctué son existence, de sa fondation en 1634 par le Cardinal de Richelieu jusqu’à nos jours. Cette minutieuse enquête est entrecoupée des témoignages d’une dizaine d’académiciens comme Marc Fumaroli, Jean Dutourd, Jean-François Deniau, Bertrand Poirot-Delpech, Alain Decaux, Jacques Laurent, Erik Orsenna, Jean d’Ormesson et Maurice Druon.
Ce qui intrigue par-dessus tout Louis-Bernard Robitaille, et partant le lecteur, c’est le paradoxe entourant cette illustre institution. Depuis ses origines, elle n’a jamais cessé d’être l’objet de persiflage et de sarcasme. Mais la virulence des satires et des attaques est le plus souvent à la mesure de l’importance que l’on lui accorde et de sa « fatale attraction ». « Quel écrivain, même le plus rebelle sur papier, n’est vraiment pas candidat à l’habit vert », de demander l’auteur. Certes il y a bien à l’occasion quelques rares appelés, comme Julien Gracq, qui refusent d’entrer sous la Coupole, mais, ainsi que le rappelle Angelo Rinaldi, « on ne compte plus le nombre de ceux qui l’ont dénoncée à vingt-cinq ans, et qui y sont entrés à soixante »
Selon Louis-Bernard Robitaille, cette contradiction s’explique en grande partie par un terrible secret de famille, si profondément enfoui que la plupart des Français ne se l’avouent pas à eux-mêmes : « [I]ls sont restés, en leur for intérieur, des monarchistes, inconsolables d’avoir guillotiné Louis XVI. Et l’Académie française, malgré son déguisement littéraire, constitue en fait le succédané suprême de cette époque révolue. La seule institution cent pour cent monarchique encore en activité dans le pays ». Au demeurant, les Français entretiennent une attitude non moins paradoxale que celle des Britanniques qui, de conclure l’auteur, « se moquent de leur chère vieille monarchie, tout en sachant qu’elle est éternelle et que cette perspective leur réchauffe le cœur et les rassure sur leur histoire et leur grandeur nationale. God save l’Académie ! »