Le dernier essai d’André Lamontagne suggère une étude interprétative des intertextualités de quelques-unes de nos œuvres romanesques contemporaines : l’auteur se donne pour objectif de « décrire la façon dont le roman québécois, à une période cruciale de son histoire, convoque consciemment des textes littéraires, et […] de comprendre, selon la définition proposée par Laurent Jenny, le sens du ‘travail de transformation et d’assimilation [d’un ou] de plusieurs textes opéré par un texte centreur’ ». Un corpus de sept romans publiés sur près d’un quart de siècle lui sert de champ d’étude : de L’amélanchier (1970) de Jacques Ferron à La tournée d’automne (1993) de Jacques Poulin, en passant par Don Quichotte de la Démanche (1974) de Victor-Lévy Beaulieu, Maryse (1983) de Francine Noël et La rage (1989) de Louis Hamelin ; la littérature migrante y est également présente avec La Québécoite (1983) de Régine Robin et Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer (1985) de Dany Laferrière.
À la recherche des « mots des autres » (c’est-à-dire « les voix sous les mots » du sous-titre), l’essayiste examine les diversifications d’une intertextualité qui fut surtout française dans le passé et qui a par la suite puisé à d’autres sources : étatsuniennes et latino-américaines en particulier, ou encore mythologiques, religieuses… Il s’attache aussi aux rapports intertextuels entretenus par les romanciers québécois avec leur propre littérature, aux pratiques intertextuelles qu’ils ont privilégiées et aux fonctions et à la signification de ces dernières à une époque d’« adhésion du roman québécois à la poétique postmoderne ». Le tout vise à montrer comment cette intertextualité « traduit [l’]évolution » du roman d’ici et « porte les signes de sa différence ».
Les sept chapitres de cette étude, dont trois avaient connu une publication antérieure, explorent avec une grande compétence et un vif souci du détail une avenue depuis longtemps reconnue comme l’une des données fondamentales du roman québécois. André Lamontagne reconnaît que son étude « demeure ciblée » et qu’« une analyse plus vaste ouvrirait son corpus à des œuvres marquantes qui s’écrivent à l’écart de la poétique intertextuelle » : des pistes, des auteurs et des titres sont pour cela suggérés en conclusion.