À une autre époque, Norbert Spehner aurait peut-être été bénédictin. Pour notre plus grand bénéfice, c’est à notre temps que ce chercheur éminemment patient destine ses compilations rigoureuses, éclairantes, lisibles. De ce genre littéraire dont on nie l’existence, mais que chacun d’entre nous fréquente sans toujours le savoir, Spehner sait tout. Non seulement il recense les auteurs et leurs uvres, mais il possède assez de recul et de culture pour situer livres et gens dans leur contexte, dans leur respect des règles ou dans leurs déviations heureuses ou déplorables.
Norbert Spehner investit plus encore dans son survol du genre : sa connaissance des divers métiers reliés au roman policier. Il sait ce que sont les tirages québécois, dont plusieurs tiennent de la confidence plus que de la distribution. Il sait combien de romans policiers portent des jaquettes qui les trahissent. Il voit bien que de nombreux libraires ne font pas assez confiance au genre pour le mettre en pleine lumière. Il sait quels critiques méritent, dans le petit monde de Bouquinville dont parle Stanley Péan, la confiance des lecteurs. Il sait même quels auteurs de polars ont fait l’apprentissage de leur art en consommant massivement la littérature policière et, souvent, en en faisant eux-mêmes l’évaluation.
Cet énorme bagage d’atouts conduit parfois Norbert Spehner au ton péremptoire de la vulgate policière. Négligeable bémol à propos d’une recherche menée de façon aussi professionnelle.