Depuis Le pavillon des miroirs, roman paru en 1994 et salué par la critique avec quatre prix littéraires, seize titres signés Sergio Kokis ont été publiés. Le retour de Lorenzo Sánchez est son tout dernier. Si les lecteurs peuvent se réjouir d’une nouvelle histoire de l’écrivain brésilien d’origine, on regrettera cependant un récit un peu trop bavard au début, sans doute moins singulier que ceux qui ont valu à l’auteur sa notoriété, mais qui regagne en verve par les longs dialogues vivants, les rencontres touchantes et les moments de désastres intérieurs.
Le retour de Lorenzo Sánchez est un retour du peintre vers son pays natal, mais également un retour vers son passé de combattant communiste et vers l’illustre famille Sánchez qui l’avait adopté et qui cache plus d’un secret. Quelques bribes de l’histoire de Lorenzo se dévoilent d’abord à travers le labyrinthe de ses souvenirs, colorées par la désillusion pathétique de ce professeur de peinture anatomique jeté à la retraite. Il tente de survivre et de donner un sens à son existence chaque jour plus abstraite. Il s’assomme à coups de whisky, de cognac et de bons vins, tentant de noyer ses visions du passé et ses incertitudes couvrant sa vie d’exilé.
Puis il sort des lacis de la mémoire, et le voile de l’histoire se lève véritablement lorsqu’il décide de retourner vers le Chili. C’est un appel mystérieux de son frère adoptif Alberto, puis leur rencontre à Montréal, qui motiveront Lorenzo à partir. Apprenant qu’il vient d’hériter de la maison de vacances familiale fourmillant de souvenirs d’amours interdites avec sa demi-sœur Sonia, Lorenzo laisse derrière lui son atelier, ses amantes, ses repas bien arrosés entre amis. Mais revenant à Santiago, les rêves de sa jeunesse vécue au Chili seront confrontés à la réalité, et les secrets qui se dissiperont peu à peu le laisseront inconsolable. Devant la modernité qui l’écœurait, il s’était senti devenir vieux, mais revivre son passé encore plus tortueux l’achèvera dans une descente cauchemardesque vers la vérité. On aurait aimé que le roman commence une centaine de pages plus loin, au cœur du récit, pour se poursuive au-delà de sa fin abrupte, alors qu’on en aurait lu encore.