Une des tâches qui incombe à la philosophie consiste à mettre en évidence et à analyser les grandes orientations que la rationalité dominante imprime à la science afin d’expliquer son développement passé et d’interroger son évolution future. Cet exercice amène certains constats, comme celui que l’activité scientifique est inégalement répartie sur la planète, et que certains pays sont loin de profiter de ses retombées bienfaisantes. Dans Le rationalisme qui vient, Bertrand Saint-Sernin, professeur émérite de philosophie à l’Université de Paris-Sorbonne, propose une réflexion sur la rationalité actuelle et s’interroge sur les façons de faire naître une « rationalité commune et partagée, active aussi bien dans la production de savoirs que dans la conduite des sociétés ».
Sa réflexion est construite autour de certains constats relatifs à la science. Après la Seconde Guerre mondiale, quelques pays sont devenus des pôles d’attraction en matière de recherche scientifique au détriment de ceux qui ont non seulement vécu un exode de leurs cerveaux, mais n’ont pu profiter de transferts de connaissances. De plus, cet événement est venu profondément changer les caractéristiques de la connaissance scientifique : désormais, elle est le produit d’une pluralité d’individus et elle est devenue inassimilable intégralement par une seule personne. La fabrication de la première bombe atomique l’a nettement démontré. Au fil des pages, l’auteur tente de produire un nouveau discours sur l’inégalité scientifique entre les nations, et s’interroge sur les façons de la réduire.
La réflexion de Bertrand Saint-Sernin démontre hors de tout doute que la philosophie ne peut pas se cantonner dans un rôle de simple spectateur. Elle se doit de poursuivre une réflexion sur la science et la technologie, tant sur le plan social que moral. Car la rationalité d’aujourd’hui a des répercussions de grande importance sur l’avenir de certaines sociétés. Une réflexion riche, doublée d’une recherche fort instructive sur les conditions du savoir.