Le rapport Durham : ces termes suscitent une réaction épidermique de dégoût chez les Canadiens français depuis son dépôt en 1839 « à sa Très Excellente Majesté la Reine » d’Angleterre. Le motif de la publication de ce document très officiel : les « désordres » en Amérique du Nord, principalement au Haut et au Bas-Canada (le Québec actuel), à la suite des soulèvements de 1837.
Les constats : la nécessité d’accorder au peuple le gouvernement responsable, conforme à la tradition britannique, d’établir de nouveaux pouvoirs fiscaux, de créer des municipalités. Mais, au cœur des enjeux, note le député anglais, une « haine aveugle et éternelle » entre deux « races », soit les Français et les Anglais : « Je m’attendais à trouver un conflit entre le gouvernement et le peuple; je trouvai deux nations en guerre au sein d’un même État ; je trouvai une lutte, non de principes, mais de race ».
Comment y remédier ? Durham est à ce sujet clair, on ne peut plus clair et prolixe : par une « lente assimilation », de la « grande » race, l’anglaise, incontestablement supérieure, car plus instruite, plus entreprenante, face à une nation (française) insoumise mais aussi « ignare, apathique et rétrograde ». Le tout est d’y arriver, grâce à une immigration soutenue, sans bouleversement. « Sans opérer le changement ni trop rapidement ni trop rudement pour ne pas froisser les sentiments et ne pas sacrifier le bien-être de la génération actuelle, l’intention première et ferme du gouvernement britannique doit à l’avenir consister à établir dans la province une population anglaise avec les lois et la langue anglaises, et à ne confier le gouvernement de cette province qu’à une Assemblée décidément anglaise. »
Certes, les Français du Bas-Canada s’opposeront, mais l’attraction et l’émulation naturelles pour les vertus anglaises feront leur œuvre, la division perdra de son intensité à mesure que le « fusionnement » s’accomplira.
Document historique, au langage et au contenu totalement inopérants eu égard aux valeurs actuelles, le rapport Durham n’en préfigure pas moins les débats centraux qui animeront le nouveau pays, le Canada, qui émergera quelque temps après, soit en 1867.