Voici un roman inspiré de la vie du philosophe et qui traite de l’exclusion, quand la lettre l’emporte sur l’esprit, et de sa contrepartie, la bienveillance.
L’action se passe à Amsterdam au XVIIe siècle, dans le quartier des Juifs chassés d’Espagne et du Portugal. Baruch de Spinoza, dit Bento en portugais, fils du négociant Miguel, quatrième des cinq enfants de la famille, a six ans au début du récit. Les préceptes, rites, traditions et textes sacrés imprègnent chaque moment de la vie des Spinoza et de leur communauté séfarade. Parler avec des non-Juifs en dehors des affaires est vu comme suspect, car cela risque d’ébranler sa foi.
À dix-neuf ans, Bento assiste son père dans son négoce et poursuit des études à la yeshiva, centre d’étude de la Torah et du Talmud. Il se montre réfléchi et talentueux. On le considère comme un érudit et on le félicite pour sa rhétorique. Très croyant et curieux, il cherche constamment à approfondir sa connaissance de la Torah. À la suite de rencontres fortuites avec des goym, le doute surgit, quand les frères Vries, des chrétiens, affirment devant lui que Dieu n’attend rien de nous, quand Pieter demande si on doit prendre à la lettre tout ce qui est révélé dans la Torah. Adam est-il vraiment le premier homme ou n’est-ce qu’une allégorie ? Etc. Etc. Bento suit des cours de latin pour élargir son éventail de lectures. Il interroge la tradition. Une question entre autres le taraude, il se demande comment expliquer que Dieu ait fait d’Israël son peuple élu, devenant ainsi la cause de l’inimitié entre les nations. Israël n’a-t-il pas été élu pour être exemplaire plutôt que supérieur comme le pensent ses coreligionnaires ? Quant à lui, désormais convaincu que la haine projetée sur autrui vient de nos propres démons, il choisit de faire preuve de bienveillance.
Toujours croyant en Dieu et attaché à la communauté juive, bien que se faisant de plus en plus critique de certaines pratiques, il s’attire des menaces et est accusé d’être un renégat, un hérétique et un mécréant, en raison de ses remises en question et de son interprétation de la Bible hébraïque. Bento a vingt-quatre ans quand lui arrive une convocation au Ma’amad, le tribunal religieux. On lui fait un procès à l’issue duquel un herem (bannissement) est prononcé en des termes d’une extrême violence. Baruch de Spinoza est maudit à jamais, exclu de sa communauté, une décision qu’il ne contestera pas, ayant pris conscience qu’il s’était trahi lui-même en s’adaptant à tout ce qu’on avait attendu de lui, une découverte qu’il note dans la formule : « il n’y a jamais de trahison que de soi ! »
L’auteur a pris soin dans une postface de départager les faits réels et la fiction et de communiquer sa bibliographie. Ainsi, bien qu’en grande partie imaginé, Le procès de Spinoza présente habilement au lecteur les théories du philosophe qui a révolutionné la pensée de son époque.